Steven Soderbergh est déprimé. Un article publié plus tôt cette semaine dans le journal britannique The Guardian a évoqué le blues du cinéaste.

L'aventure Che semble avoir été douloureuse au point où les cicatrices ne sont pas encore disparues. S'il avait pu deviner d'avance la tournure des choses (tournage éprouvant et très concentré; peu d'écho aux États-Unis du fait de la langue espagnole), Soderbergh affirme aujourd'hui qu'il aurait carrément renoncé à ce projet trop fou.

Et puis, le réalisateur de Traffic ne déborde pas d'optimisme quand il pense à l'avenir du septième art non plus. Sur le plan de sa diffusion d'abord. Mais aussi, et surtout, en regard du genre de productions qui obtiendront dorénavant le feu vert des studios et des distributeurs. «D'ici quelques années, les sujets qui m'allument n'intéresseront que moi», a-t-il déclaré.

Du même souffle, Soderbergh laisse entrevoir une retraite du cinéma plus hâtive que prévu. En fait, il y songerait depuis quelque temps. Du reste, il ne sera pas le premier cinéaste à planifier ce genre de sortie. Patrice Leconte l'a fait. Denys Arcand a aussi déjà déclaré qu'il ne lui restait encore qu'un ou deux films à réaliser. Rares, pourtant, sont ceux qui, comme Soderbergh, jonglent avec de telles idées à l'âge de 46 ans.

Même si Harry Barnes, le journaliste ayant mené l'interview, remet les choses en perspective en mettant en exergue tous les projets auxquels l'auteur cinéaste compte néanmoins s'attaquer au cours des deux ou trois prochaines années, il reste que ce coup de cafard est assez symptomatique. Parce qu'il révèle de manière tangible le malaise d'une «industrie» en pleine crise existentielle, lequel atteint aussi les artistes de pointe.

Plus que n'importe quel autre cinéaste américain, Steven Soderbergh est pourtant l'incarnation même du créateur ayant su tirer le meilleur parti possible du combat entre l'art et le commerce. Généralement vu comme un modèle d'intégrité, cet excellent théoricien aime visiblement travailler la matière du cinéma. Il en explore tous les langages, tant dans ses productions à vocation plus populaire que dans ses films plus expérimentaux.

Cette polyvalence - et cette façon de se mouvoir à l'intérieur du système - suscite d'ailleurs l'admiration de ses pairs. J'en discutais récemment avec Ian Lauzon, le coscénariste de De père en flic. Venu du théâtre underground (La langue à terre), Lauzon a réalisé un documentaire il y a quelques années, Confession des masques, au coeur duquel figurent les questions éthiques et professionnelles auxquelles font face les artistes. Particulièrement dans un contexte où souvent, pour ne pas dire toujours, la logique économique l'emporte.

L'auteur, très sollicité par les temps qui courent (il signe notamment les scénarios de Commandant Piché: entre ciel et terre et de Cabotins, deux films qui entrent en production très prochainement), prend justement Soderbergh pour exemple.

«Voilà quelqu'un qui poursuit une vraie démarche, disait-il. Et qui sait jouer sur les deux tableaux, populaire et artistique, avec un égal talent. C'est exceptionnel. Au Québec, comme partout ailleurs, ce cas de figure est rare. Les créateurs sont trop vite étiquetés.»

Si jamais la déprime de Soderbergh devait être bien réelle et entraîner son abandon, le cinéma n'aura vraiment plus assez de yeux pour pleurer.

Le sceau papal

Si j'étais l'un des artisans de Harry Potter and the Half Blood Prince, il n'est pas certain que j'accueillerais avec joie et allégresse le sceau d'approbation du Vatican. Non mais, sincèrement. Vous avez franchement envie, vous, d'aller voir un film encensé par les curés? Cette semaine, les prélats de l'Osservatore Romano ont applaudi le fait que, selon eux, le plus récent opus cinématographique tiré de l'oeuvre de J.K. Rowling «ne laisse aucune ambiguïté quant à la question du bien et du mal». Ils s'excitent aussi un peu le poil papal devant le traitement «équilibré» des amours adolescentes.

Un peu plus et on nous ressortait, selon cette lecture, l'éternel refrain des «belles valeurs» ! Or, rien n'est plus navrant que la notion de certitude morale dans la création artistique. Rien n'est plus ennuyeux que l'absence d'ambiguïté; rien n'est plus «drabe» qu'un traitement «équilibré».

J'irai certainement voir de quoi il en retourne au cours des prochains jours. D'autant plus que ma collègue Sonia Sarfati me jure sur son grimoire que ce film est non seulement digne de la cote quatre étoiles qu'elle lui a accordée, mais qu'il est aussi plus complexe que ce que veulent bien laisser croire les ecclésiastiques dans leur infinie sagesse. Et ce, même si la distinction entre le «bien» et le «mal» n'a jamais fait le moindre doute depuis le tout début de la série (mais apparemment pas aux yeux de Rome). Et puis, savez quoi? Je crois en Sonia. Dans le très Saint Temple de Poudlard, la vraie papesse, c'est elle.

Xavier le conquérant

Je ne sais pas ce que le pape a pensé de J'ai tué ma mère. Mais Xavier Dolan a obtenu cette semaine la bénédiction de toutes les chapelles - ô combien rivales pourtant - postées sur le chemin de croix de la critique française. Avec le soutien d'une distribution plutôt costaude (58 écrans en France depuis mercredi), notre «coqueluche» a eu droit à un traitement princier. Même si les chiffres enregistrés hier sont décevants, le jeune homme doit quand même se pincer de temps à autre pour bien réaliser ce qui lui arrive.

En passant, Xavier prête sa voix depuis huit ans au personnage de Ron Weasley (Rupert Grint) dans les versions françaises doublées au Québec des films de Harry Potter, parmi lesquels le plus récent, Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé. Un autre petit détail tout simple dans sa vie.