Los Angeles, vendredi dernier. Dans la salle de conférences du très chic hôtel Four Seasons - là où toutes les stars se donnent rendez-vous pour brasser leurs affaires -, Katherine Heigl et Gerard Butler s'offrent en pâture à la quarantaine de journalistes réunis devant eux.

Dans The Ugly Truth (à l'affiche aujourd'hui), les deux vedettes forment un couple de cinéma «à l'ancienne», style Hepburn-Tracy ou Day-Hudson. Vous voyez le genre: un homme et une femme se détestent à s'en confesser; se livrent bataille à grands coups de répliques assassines; mais ne peuvent ensuite faire autrement que de s'embrasser à bouche que veux-tu. La différence, c'est qu'en 2009, on discute maintenant de la question des relations hommes-femmes en utilisant un langage très vert. Et en décrivant des situations qui ne laissent strictement rien à l'imagination.

Du coup, un film comme The Ugly Truth s'inscrit dans le courant de ces comédies américaines qui rivalisent d'audace pour aborder de façon très franche les sujets les plus intimes, surtout en matière de sexe. Plus rarement tente-t-on pourtant de défier les règles établies au chapitre de la représentation visuelle. Autrement dit, on parle mais on ne montre pas. Pour cela, il y a Brüno!

 

Katherine Heigl, qui a notamment été la vedette de Knocked Up (une réalisation de Judd Apatow, le nouveau pape de la comédie), voit dans ce courant un trait d'époque. En gros, l'actrice estime tout à fait naturelle cette volonté de discuter des choses de l'amour en empruntant le langage que les gens utilisent dans la rue, particulièrement au sein des plus jeunes générations. En tant que nouvelle trentenaire, elle dit préférer de loin, à titre de simple spectatrice, les films dans lesquels elle peut se reconnaître. Et qui abordent les sujets de façon directe, sans que le propos soit dénaturé de sa substance, pour rejoindre un public de tous les âges.

Butler, lui, dit avoir été trop heureux de pouvoir lancer des blagues cochonnes en toute impunité...

Quatre jours après cette rencontre avec la fille de Grey's Anatomy et le gars de 300, je vais voir The Hangover.

Dans le complexe multisalles, il y a du monde au point où les files d'attente aux guichets s'allongent presque jusqu'à l'extérieur. Oui, il y a Harry Potter. Mais la loufoquerie de Todd Phillips - le lendemain de veille d'un enterrement de vie de garçon à Vegas - reste encore tellement populaire, même près de deux mois après sa sortie, qu'elle a battu cette semaine un record détenu depuis 25 ans par... Beverly Hills Cop! Avec des recettes de plus de 235 millions de dollars sur le marché intérieur (dont nous faisons partie, rappelons-le), The Hangover trône aujourd'hui au sommet de la liste des comédies «pour adultes» les plus lucratives.

Même si j'ai ri plusieurs fois, j'avoue quand même mal comprendre l'ampleur du phénomène, tant ce film ne m'a pas semblé vraiment marquant. De son côté, Phillips analysait ce succès inattendu dans une interview accordée au journal Variety récemment. S'appuyant déjà sur un noyau solide d'admirateurs - essentiellement masculins - grâce à des comédies outrancières comme Road Trip ou Old School, le cinéaste croit avoir rallié, cette fois, le public féminin.

«Les filles aiment rire aussi, a déclaré Phillips, honoré hier à Montréal au festival Just for Laughs. Elles n'aiment pas seulement les films dans lesquels on planifie des mariages! Et puis, cette comédie leur permet d'assister à un rituel masculin auquel elles ne pourraient jamais avoir accès autrement. À moins qu'elles ne soient en service ce soir-là!»

C'est peut-être la raison pour laquelle The Ugly Truth, un film qui a toutes les caractéristiques du chick flick traditionnel, a finalement emprunté une approche beaucoup plus crue que de coutume. De la même manière que The Hangover a su gagner les filles, peut-être cette vérité toute crue saura-t-elle séduire les gars. Il est d'ailleurs probable que les grands studios, tenant là un bon filon, mettent plusieurs comédies du même genre en chantier au cours des prochains mois. Ces bouffonneries plus ou moins grivoises, qui attirent désormais un très large public, ont toujours été d'autant plus rentables qu'elles peuvent être produites à peu de frais. Le budget de The Hangover s'élevait à 35 millions de dollars, une aubaine à Hollywood.

Cela dit, force est de constater que sous leurs aspects faussement audacieux, toutes ces comédies ayant l'ambition de repousser les limites du discours acceptable, de Knocked Up à Zack and Miri Make a Porno, en passant par I Love You Man et autres Superbad, demeurent foncièrement morales. Les histoires à l'eau de rose ont beau faire «tellement XXe siècle», il reste que dans les faits, même si leur forme est aujourd'hui différente, elles ne se sont pas encore noyées dans leur propre sirop.

Les semaines se suivent mais...

Le nouveau film de Jean-Marc Vallée, The Young Victoria, a pris l'affiche mercredi en France et y occupe trois fois plus d'écrans que J'ai tué ma mère. Or, l'écho ne s'est pratiquement pas rendu jusqu'à nous. Pourquoi? Parce que la sortie de ce drame historique, tourné en Angleterre par le réalisateur de C.R.A.Z.Y., a suscité peu d'intérêt dans les médias français. Outre-Atlantique, les journaux ont expédié le film en deux phrases dans les «sorties de la semaine». D'autres se sont parfois permis un minuscule entrefilet. Les rares articles sur le film sont plutôt consacrés à... Sarah Ferguson, ci-devant duchesse d'York et coproductrice du film (avec Martin Scorsese notamment). Rien à voir, en tout cas, avec le genre de couverture - exceptionnelle - dont Xavier Dolan a bénéficié la semaine dernière. Il n'est pas dit, toutefois, que Victoria, les jeunes années d'une reine n'attirera pas les spectateurs français, le succès public d'un film n'étant pas obligatoirement tributaire de sa couverture médiatique.

D'abord sorti au mois de mars en Grande-Bretagne, The Young Victoria n'avait toujours pas, aux dernières nouvelles, trouvé preneur auprès d'un distributeur nord-américain. Le verra-t-on un jour?