Je ne vous parlerai pas du 20e anniversaire de la chute du mur de Berlin. Il y a déjà tout plein de reportages et de documents rappelant ce moment charnière de l'histoire contemporaine.

Juste à l'Institut Goethe, on peut voir depuis deux mois, et jusqu'au 11 décembre, une programmation spéciale, entièrement conçue pour souligner l'événement. En collaboration avec les Rencontres internationales du documentaire de Montréal, on y présente d'ailleurs ce soir Lights From Afar, un film de Helga Reidemeister. Ce document parle des «enfants du mur», une génération née à l'Est qui, 20 ans plus tard, cherche encore ses repères dans l'Allemagne réunifiée.

J'aurais plutôt envie d'évoquer la notion d'engagement dans le cinéma. De la façon dont elle s'exprime à une époque où l'on trouve plus souvent résignation que résistance. J'ai eu la chance de discuter cette semaine avec deux cinéastes reconnus pour traiter de ces questions dans leurs films. Même en cette époque morose, Costa-Gavras, présent ce week-end à Cinémania, et Robert Guédiguian, dont le nouveau film L'armée du crime prend l'affiche aujourd'hui, persistent et signent. Or, tous les deux affichent depuis quelques années un engagement plus humaniste que politique.

«Il faut parler du monde, des hommes et des femmes qui font le monde, précise le réalisateur de Z. Quand le mur de Berlin est tombé, une occasion formidable d'unification s'est offerte à nous. On pensait que les peuples allaient s'allier, que la démocratie s'installerait partout. C'est le contraire qui est arrivé. Le monde n'a jamais été aussi mal, aussi divisé. Et le capitalisme est encore plus agressif. En dénonçant les financiers de Wall Street et les banquiers, le président des États-Unis est même obligé d'emprunter un discours jadis tenu par les communistes! Il y a 20 ans, on aurait fait un film d'anticipation en décrivant la réalité d'aujourd'hui que personne n'y aurait cru!»

Robert Guédiguian

Guédiguian, sympathisant communiste convaincu, déplore évidemment le triomphe absolu des valeurs néolibérales et son corollaire, l'anéantissement total des idéologies de gauche.

«J'ose espérer un retour du balancier, dit-il. Je refuse de penser que le monde ne puisse pas appartenir à tout le monde. Sinon, c'est trop désespérant!»

L'un et l'autre restent fidèles à leurs convictions, tout en travaillant dans un contexte où la diffusion des oeuvres est de plus en plus tributaire des lois du marché.

«C'est pour cela qu'il est impératif de choisir des histoires à portée universelle, souligne Costa-Gavras, dont le plus récent film, Éden à l'Ouest, est toujours en quête d'une distribution au Québec.

«Un film n'est ni une thèse universitaire ni un discours politique. Un film doit d'abord et avant tout être un spectacle. Et à travers ce spectacle, on peut montrer qu'il est encore possible, malgré tout, de remettre des choses en question. Même si, à notre époque, on ne sait plus trop contre quoi, ni contre qui résister, il faut se tenir debout!»

Guédiguian et Costa-Gavras jurent tour à tour qu'ils ne baisseront jamais les bras. Le monde ne s'en portera que mieux.

Le parc d'attractions

Une course de voitures effrénée. Alors que les personnages caracolent, la pédale dans le tapis en contournant les obstacles qui se posent devant eux, le siège vibre, épouse tous les mouvements, subit les mêmes secousses. C'était mercredi, au Cinéma Beloeil. Les représentants des médias étaient invités à faire l'essai d'un nouveau siège «intégrant le système de génération de mouvement» avec des scènes tirées d'un chef-d'oeuvre du cinéma contemporain, Fast and Furious. Cette technologie, conçue et mise au point par la firme québécoise D-BOX, permet ainsi au spectateur de vivre une expérience immersive en ressentant physiquement tout ce qui se passe à l'écran.

Le monsieur en avant (Claude McMaster, le président de Technologies D-Box) expliquait que cette technologie était d'évidence plus destinée aux superproductions hollywoodiennes. Mais il lançait du même souffle que des films d'un autre genre - pourquoi pas des drames - pourraient très bien l'utiliser. La technologie est sophistiquée et impressionnante, je le reconnais. Elle occupe toutefois l'esprit au point que le spectateur se concentre davantage sur les mouvements de son siège que sur ce qui se passe à l'écran. Remarquez que ce fauteuil n'est pas un manège. L'intensité est réglable. Il n'y a aucune consigne particulière non plus, ni restriction, ni danger. Le système fonctionne au ralenti au moment des scènes plus intimes. Profitant d'une accalmie, j'ai alors pu mieux comprendre la profondeur des dialogues de Vin Diesel. Et me concentrer sur son jeu.

Peut-être verrai-je un jour Antichrist dans un siège D-Box.

En attendant, je ne peux m'empêcher de frémir un peu à l'idée que les salles de cinéma se transforment de plus en plus en parcs d'attractions. Ainsi, on devra dorénavant produire des films conçus spécifiquement pour exploiter le plein potentiel de ces technologies. 2012, un film catastrophe (dans tous les sens du terme), qui n'existe que par et pour ses effets spéciaux, lance d'ailleurs le bal à Beloeil dès aujourd'hui. Les réservations iraient déjà bon train, malgré le coût du billet (plus cher de sept dollars). Vingt-six sièges D-Box ont été installés là. En Amérique du Nord, une dizaine de salles sont équipées de ces fauteuils pour l'instant.

Des gadgets au service du cinéma, je veux bien. Mais pas le contraire. Or, cette tendance (3D, D-Box et tutti quanti) devient de plus en plus lourde. Très franchement, cela m'inquiète un peu.