C'est l'histoire d'un homme ordinaire devant une situation extraordinaire. L'histoire d'un homme qui, en évitant une catastrophe, a fait sa job. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Robert Piché lui-même.

On connaît son histoire: le 24 août 2001, aux commandes du vol 236 d'Air Transat, Robert Piché a sauvé la vie de quelque 300 passagers, en faisant atterrir d'urgence un Airbus en panne de moteur aux Açores.

Son passé a aussitôt été déterré par des médias aux aguets. Piché, dans sa jeunesse de pilote de brousse, a été emprisonné aux États-Unis pour avoir fait de la contrebande de drogue.

Héros national dans un pays en manque de héros, beau bonhomme au passé de bum doté d'un sang-froid hors du commun, Piché avait tout pour plaire. Squelettes dans le placard en prime. C'est pour ça, j'imagine, que l'on a aussitôt voulu faire un film de sa vie.

«Derrière le héros, il y a un homme», insiste la bande-annonce de Piché: entre ciel et terre, qui prend l'affiche demain, après huit ans de gestation. Un homme, oui, on s'en doutait.

Un homme qui a connu les hauts et les bas de la vie de noceur, qui a frayé avec les bonzes du commerce de la dope et survécu aux sévices de la vie de prison, avant de combattre son plus grand démon: l'alcoolisme. Un mâle alpha qui a fait planer un avion de ligne jusqu'à une île providentielle de l'Atlantique en devenant, sur-le-champ, un mythe médiatique.

L'histoire de Robert Piché n'est pas banale. Fallait-il pour autant en faire un film? C'est la question que je me suis posée hier en sortant de la projection de Piché: entre ciel et terre.

Ce n'est pas que le long métrage de Sylvain Archambault (Pour toujours les Canadiens) soit raté. On s'y perd un peu en allers-retours dans le passé trouble de Robert Piché, certains personnages secondaires sont caricaturaux et quelques dialogues trop «thérapeutiques», mais le film reste, dans l'ensemble, plutôt bien joué et réalisé.

Il trouve surtout sa charge émotive dans le crescendo de ses 30 dernières minutes, qui correspondent aux derniers instants du vol 236. Une finale tendue et réaliste, en rupture de ton avec un récit qui peine jusque-là à trouver une réelle cohésion.

Il reste qu'au final, Piché: entre ciel et terre est un film ordinaire sur un fait divers extraordinaire. Son scénario, réécrit plusieurs fois depuis le début du projet, n'arrive malheureusement pas à transcender l'anecdote d'une catastrophe évitée de justesse.

Faut-il s'en étonner? Le cliché veut qu'il y ait plus de vérité dans la fiction que dans la réalité. Il y a, à mon sens, beaucoup de vérité dans les clichés. Celui-ci par exemple: ce n'est pas parce qu'une histoire est vraie qu'elle est intéressante.

L'époque, au cinéma québécois comme ailleurs, est pourtant au «fait vécu». Les biographies filmées pullulent de personnages vivants ou enterrés, marquants ou pas, tablant sur l'envie du spectateur de se faire raconter une histoire vraie dont il connaît déjà les grandes lignes. Toutes les vies ne méritent pourtant pas de se retrouver au grand écran. Même celles des héros.