Il y a trois ans, un 8 mars comme aujourd'hui, paraissait dans La Presse, sous le titre «Cinq femmes, un siècle», le portrait de cinq femmes de la même lignée, de Lucia, arrière-grand-mère, à Lily Jeanne, petite dernière de 5 ans. Un 8 mars pas tout à fait comme les autres pour Lily Jeanne, mais surtout pour sa maman, Catherine Beauchamp, 32 ans, qui se qualifie de néo-féministe et qui avait délibérément choisi ce jour-là pour lancer un site web à son nom sur le cinéma.

Accompagnée d'un caméraman payé de sa poche, Catherine Beauchamp s'est amenée le 8 mars, il y a trois ans, à la première des 3 p'tits cochons sans connaître personne et sans savoir qu'avec son site web, elle allait un jour se faire un nom, remporter un prix Gémeau, être invitée à Paris, soutirer des propos exclusifs à Jane Birkin, participer au Festival de Cannes et être courtisée par le portail MSN. Trois ans plus tard, Le tapis rose de Catherine, lancé avec une part d'héritage et beaucoup de débrouillardise, n'est plus le même qu'à ses débuts.

Le site s'est amélioré et jouit du respect des médias traditionnels comme des gens de cinéma. Son succès tient à la fois au timing, au phénomène relativement nouveau de la webtélé et à la disparition d'émissions comme Flash et Star système qui ont fait les beaux jours des premiers tapis rouges québécois. Mais la vraie clé de son succès tient au dynamisme et à la curiosité intellectuelle de Catherine Beauchamp, fille d'un ingénieur-entrepreneur et d'une mère folle de cinéma.

Hier, Catherine Beauchamp devait se rendre à notre rendez-vous à bord d'une rutilante MINI Cooper rose, gracieuseté d'un nouveau commanditaire. Manque de chance, la tempête faisait rage. Elle est donc arrivée à bord de sa vieille minoune, mais en arborant un joli pull assorti à son fameux micro rose nanan.

Pendant qu'elle grandissait à Valleyfield, Catherine rêvait de devenir actrice. Elle s'est d'ailleurs inscrite au collège Lionel-Groulx dans l'espoir d'être admise en théâtre avant de mettre le cap sur les communications.

Avec un bac en communications de l'Université Laval et une maîtrise en gestion des affaires de l'Institut technique de l'Université de New York, Catherine a cru un moment devenir une riche femme d'affaires à l'image de son père, un des premiers actionnaires de la firme de génie-conseil Teknika.

En attendant, pendant six ans, elle a gagné sa vie comme chargée de projet à l'agence de pub BBDO pour le compte de Labatt Bleue. Indépendante d'esprit et un brin rebelle, son patron la surnommait Michel Chartrand. Un jour, il ne l'a plus surnommée du tout. Il l'a foutue à la porte. «J'aurais pu continuer en pub. J'avais des offres, mais je venais de mettre au monde Lily Jeanne. Si je voulais un jour lui transmettre le désir d'aller au bout de ses rêves, il fallait que je commence par le faire moi-même. Mon rêve à moi, c'était d'avoir une émission de télé. Comme personne ne m'en offrait, j'ai décidé de m'en faire une.»

Avec l'héritage laissé par son grand-père maternel, Catherine s'est offert six mois de salaire, des cours chez Pro-Média et un site web en forme de vitrine. Ainsi est né Le tapis rose de Catherine en hommage à la couleur rose, à la série Sex and the City et à une féminité assumée, mais jamais frivole ni inconséquente.

«Au bout de six mois, j'avais dépensé mon héritage. Le site ne générait pas de revenus et je me résignais à le fermer lorsque MSN m'a appelé et m'a proposé de racheter mon site pour autant que je continue de produire du contenu toutes les semaines. J'étais sauvée.»

Aujourd'hui grâce à MSN, Le tapis rose est auto-suffisant. Ce n'est pas tout à fait le cas de sa fondatrice, qui fait encore régulièrement des piges pour Unibroue et Sleeman pour survivre. «Les trois années qui s'achèvent ont été difficiles, un vrai chemin de croix, mais j'ai eu de la chance aussi de trouver sur ma route des gens qui m'ont aidée. Je ne suis pas à plaindre.»

Catherine espère qu'un jour, le rose de son site ne soit pas uniquement consacré aux premières de films, mais à des sujets plus vastes qui préoccupent les femmes d'aujourd'hui. En attendant, soyez assurés que le cinéma et ses créateurs continuent de la faire rêver.