Le phénomène dépasse certainement l'expertise des plus fins stratèges hollywoodiens. Qui ne s'attendaient certainement pas à ce qu'un petit freluquet à la houppe rousse suscite autant d'engouement dans les pays où l'on parle la langue de Molière. Ils s'en doutaient bien un peu, remarquez. Ignorant eux-mêmes tout de l'univers d'Hergé, et de l'importance qu'occupe ce dénommé Tintin dans notre imaginaire collectif, ils ont quand même eu l'instinct - les producteurs du film y sont certainement pour quelque chose - de lancer le nouveau film de Steven Spielberg en Europe deux mois avant de le proposer sur leur propre marché. C'est très rare.

Paris bat présentement au rythme de la folie Tintin. Les vitrines des librairies regorgent des rééditions des 24 albums de la série, sans compter les innombrables ouvrages et essais publiés sur l'oeuvre. Des figurines, des jeux classiques revampés aux couleurs du célèbre reporter belge (un Mille Bornes Tintin «collector» ?), des jeux vidéo et des produits dérivés à ne savoir qu'en faire. Et plein de tintinologues et de tintinophiles s'agitent partout dans les médias. Autrement dit, personne n'échappe présentement à l'emprise des personnages créés par Hergé il y a maintenant plus de huit décennies.

J'ai vu le film de Spielberg, excellent à mon avis. Et deux fois plutôt qu'une. Présenté à la presse et au public en avant-première dans sa version originale sous-titrée, The Adventures of Tintin: The Secret of the Unicorn est aussi à l'affiche depuis mercredi dans les pays francophones européens en version doublée en français. Comme il fallait s'y attendre, c'est cette version-là, au générique duquel ne figure aucune voix de star, qu'il faudra voir. Beaucoup plus fidèle à la plume d'Hergé, elle fait en outre honneur à tous les flibustiers de carnaval, moules à gaufres, gredins et autres anthropopithèques gravitant autour du jeune héros résidant au 26, rue du Labrador à Bruxelles. Chez nous, les amateurs de 7 à 77 ans devront malheureusement patienter jusqu'au mois de décembre avant de pouvoir enfin voir de quoi il en retourne. Selon toute vraisemblance, Tintin commencera d'abord au Québec son périple nord-américain. Nous aurons largement l'occasion d'y revenir.

Ça fait mal!

Toujours mercredi, alors que Tintin était en train de faire un malheur au box-office français dès la première séance du jour, sortait un autre film qui, contrairement à la superproduction Steven Spielberg-Peter Jackson, était pratiquement sacrifié d'avance. De force, un polar écrit et réalisé par l'ancien repris de justice Frank Henry, ne pourrait être qu'un navet de plus. Ce qu'il est, du reste. J'en ai fait douloureusement le constat au fil des 95 pénibles minutes qu'a duré la projection. Récemment, Valérie Donzelli, dont le merveilleux film La guerre est déclarée est toujours à l'affiche au Québec, faisait remarquer que les expériences personnelles, aussi dramatiques soient-elles, ne font pas obligatoirement de bons sujets de cinéma. Dommage que le réalisateur de De force n'ait pas entendu ce message. Tout cela ne serait pas si grave si le film ne mettait pas en vedette Éric Cantona, icône du foot recyclée en émule de Gabin ou de Ventura, et, surtout, Isabelle Adjani. Ça fait carrément mal de voir une si grande tragédienne dans un tel nanar. Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Juliette Binoche et bien d'autres parviennent à décrocher encore de beaux rôles et suscitent toujours le désir auprès d'auteurs de toutes les générations. Isabelle Adjani ne sort désormais plus de sa tanière que pour offrir son visage figé dans le temps à des cinéastes de seconde zone. Bien sûr, La journée de la jupe (Jean-Paul Lilenfeld) lui a valu le César de la meilleure actrice il y a deux ans. Parce que c'était elle. Mais quand on regarde froidement le parcours cinématographique de l'inoubliable interprète de Camille Claudel depuis 20 ans, on constate que le dernier rôle mémorable, dans un film digne de ce nom, réalisé par un grand metteur en scène, remonte à 1993. C'était La reine Margot, de Patrice Chéreau. Une actrice d'exception comme elle ne devrait pourtant tourner encore qu'avec les meilleurs. Pourquoi n'en est-il plus ainsi?

Des éloges pour Denis Côté

Parmi les nouveaux titres sortis mercredi en France, un ovni québécois a monopolisé l'attention de la presse dite «de référence». Les films de Denis Côté ont souvent été remarqués par les critiques français grâce à leurs sélections festivalières, mais jamais l'un d'eux n'avait encore fait l'objet d'une vraie sortie commerciale dans l'Hexagone. C'est maintenant chose faite. L'arrivée de Curling dans les salles a ainsi été saluée comme un événement. Dans la presse influente, les éloges fusaient de toutes parts. «On ne voit pas un tel travail cinématographique tous les jours», avance même Le Monde. Le succès ne se mesurera évidemment pas cette fois au nombre d'entrées (le film a pris l'affiche dans trois salles à Paris), mais plutôt à la qualité de la couverture médiatique obtenue. À cet égard, Côté est incontestablement le grand champion de la semaine.

Hein?

Non, je n'ai pas eu la berlue. Avant la présentation mercredi soir de Tout le monde descend, un téléfilm dont l'une des têtes d'affiche est Lubna Azabal, France 2 a diffusé la mention suivante: «Ce film comporte du placement de produits.» Ah bon? Si cette règle était appliquée chez nous, les diffuseurs seraient-ils requis d'afficher cette inscription de façon permanente? Même pendant les journaux télévisés?