Il y a des films qui nous laissent indifférents. Une majorité de titres, même. Des œuvres plus ou moins bien réalisées, scénarisées, interprétées, aussitôt oubliées. Parce qu’elles ne se démarquent pas du lot. Images beiges, en mouvement, sur fond beige.

Dans la liste des finalistes aux prix Jutra, dévoilée cette semaine, il y a au moins deux films que j’ai vus, dans la dernière année, dont les titres ne m’ont pourtant rappelé aucun souvenir. Pas parce que je deviens gâteux. Parce qu’il ne s’agit pas d’œuvres marquantes.

Ce sont des films quelconques, comme Impardonnables d’André Téchiné, tiré du roman de Philippe Djian, à l’affiche vendredi prochain et mettant en vedette Carole Bouquet, Mélanie Thierry et André Dussolier. Un film de « creux » dans la carrière en dents de scie de Téchiné (comme le précédent La fille du RER). Une histoire d’amour très peu inspirée entre un auteur de polars (Dussolier) et une agente immobilière (Carole Bouquet) exilés à Venise, qui tourne à vide et ne trouve jamais le ton juste.

Parmi les films qui nous marquent, il y a bien sûr ceux que l’on aime. Pour des raisons parfois indéfinissables. Mais il y a aussi tous ceux qui nous ont profondément agacés.

Je garde des souvenirs douloureux, d’exaspération profonde, de Titanic, dont la version 3D (sans doute trois fois plus souffrante) s’annonce déjà en bande-annonce tonitruante. En espérant que dans cette relecture numérique, Jack disparaisse plus rapidement au fond des eaux.

J’ai été tout aussi irrité par le « premier épisode » de Star Wars, The Phantom Menace. Ça tombe mal. La menace de l’insupportable Jar Jar Binks en trois dimensions est elle aussi imminente.

Il n’y a pas que les baudruches hollywoodiennes pour m’exaspérer. Les auteurs savent aussi y faire. Je ne me souviens pas avoir été plus heurté par un film, par ses valeurs, par son cynisme, par ses idées, que par L’âge des ténèbres de Denys Arcand. Dire que j’ai haï ça relève de l’euphémisme.

Vendredi prend l’affiche le nouveau long métrage d’une cinéaste dont la sensibilité m’avait impressionné dans ses précédents films. Ce qui ne rend ma déception, et mon irritation, que plus grandes.

We Need to Talk About Kevin de Lynne Ramsey n’a malheureusement pas le quart de la subtilité de Morvern Callar, que la cinéaste britannique avait réalisé en 2002. Il n’a surtout pas la force haletante du célèbre roman noir de Lionel Shriver qui l’a inspiré.

J’ai détesté ce film, à m’en confesser (ce que je m’apprête d’ailleurs à faire). Et pas seulement parce qu’il offre, de manière insistante, une vision extrêmement simpliste de la responsabilité d’une mère dans le crime commis par son fils. Aussi parce qu’il le fait par le biais d’une bouillie visuelle tellement chargée qu’elle m’est apparue indigeste.

Note à l’intention du lecteur : bien des critiques, la plupart même, ont trouvé de grandes qualités à We Need To Talk About Kevin, qui raconte le désarroi d’une femme après les meurtres multiples commis par son fils dans une école secondaire. L’irritation est une chose bien personnelle, il faut l’admettre.

Le film était pourtant prometteur, avec en prologue des images saisissantes de Tilda Swinton (très convaincante, malgré tout, dans le rôle de la mère), surfant sur une foule à la Tomatina, la fameuse bataille de tomates de Buñol, en Espagne. Une mère tachée de pulpe de tomate comme si c’était le sang que son fils a fait jaillir et dont elle sera marquée pour le restant de ses jours.

Si Lynne Ramsay s’était contentée de cette ouverture, elle aurait peut-être évité le pire. Malheureusement, la cinéaste a senti le besoin d’en rajouter et d’en rajouter encore en matière de symbolique lourde, pour bien nous faire comprendre le lien direct entre l’incapacité d’une mère d’aimer inconditionnellement son fils unique et la transformation de celui-ci, pratiquement dès la naissance, en monstre à la graine de meurtrier.

C’est bon, on avait compris. Il n’était pas nécessaire de sombrer dans la mise en scène affectée, prétentieuse et esthétisante, au service, il faut dire, d’un scénario aussi simpliste que caricatural, pétri de psychologie à deux cennes. Vous dire comme j’ai souffert...

Qui trop embrasse

La longue introduction au dévoilement des finalistes du prochain gala des prix Jutra, mardi, aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. Bien des précisions sur la manière dont le jury a délibéré pour en arriver à ces résultats, par moments déconcertants.

Le jury a entre autres « oublié » En terrains connus de Stéphane Lafleur (une seule citation) et Sébastien Pilote dans la catégorie du meilleur réalisateur, snobé quelques performances d’acteurs méritantes, ainsi que des films plus radicaux, comme Laurentie ou Jo pour Jonathan, afin de récompenser des œuvres plus populaires mais moins abouties.

Qui trop embrasse mal étreint ? Cette liste de finalistes sent le compromis à plein nez. Le jury, en voulant ratisser large, s’est exposé à quelques incohérences et aberrations. Rien n’est parfait, certes, mais, comme me le faisait remarquer un artisan cette semaine, il semble évident que le nouveau système de sélection des finalistes, qui devait pallier les incohérences du précédent (abandonné depuis deux ans), en a produit d’autres.

Dans les coulisses, une partie du milieu du cinéma gronde. Certains réclament le retour d’un vote plus démocratique, qui serait doublé d’un accès plus facile aux œuvres admissibles. Et se demandent si le Québec n’est pas trop petit pour laisser à 16 membres d’associations professionnelles le soin de déterminer la majorité des finalistes d’un gala qui se veut aussi prestigieux. La question se pose...