Elle projetait l'image saine d'une jeune femme enjouée. Beauté naturelle au sourire lumineux, à la voix puissante et cristalline, exceptionnelle. On la surnommait «The Voice». La Voix. Distributrice de hits pour la plupart optimistes, ciselés dans le bonbon d'une pop mâtinée de soul et de gospel. Un rayon de soleil dans l'arc-en-ciel musical des années 80.

Entre cette image impeccable, quasi angélique, de pop star grand public au sex-appeal bon enfant, et les torpeurs de l'alcoolisme et de la toxicomanie, il y avait tout un monde, enfoui, réprimé, qui nous avait échappé.

Whitney Houston est morte samedi après-midi, à la veille de la fête strass et paillettes de la musique américaine, celle des prix Grammy, dont elle avait jadis été la reine (6 prix et 26 nominations). Elle a été trouvée dans la baignoire de sa chambre du Beverly Hilton Hotel, où elle devait participer à une soirée organisée par son mentor Clive Davis. Celui-là même qui l'a propulsée au-devant de la scène, il y a presque 30 ans.

Les causes de son décès ne seront pas connues avant plusieurs jours, mais il est probable, selon les informations qui ont circulé, qu'il soit lié à une consommation abusive d'alcool et de médicaments. On connaît la chanson. On l'a trop souvent entendue. L'histoire de Whitney Houston se résume à ces deux dernières phrases.

Autant elle avait été une force vivifiante et incontournable de la scène pop des années 80 et 90, avec ses tubes fluorescents à la chaîne - You Give Good Love, How Will I Know, Saving All My Love For You, I Wanna Dance With Somebody (Who Loves Me), Didn't We Almost Have It All... -, autant elle n'était plus, depuis une quinzaine d'années, qu'une épave à la dérive.

Elle disparaît à 48 ans, sans que quiconque en soit trop surpris. Dévastée par les abus éthyliques, amaigrie, erratique.

Sa voix, écorchée, n'avait plus sa grâce des premiers jours. Et malgré des efforts désespérés depuis plus d'une dizaine d'années, elle n'a jamais réussi à remonter la pente. Constamment à la recherche d'un nouveau hit qui soulignerait son come-back à grands traits. Sans succès. Son dernier album, I Look to You, paru en 2009, s'est vendu 10 fois moins que son tout premier disque, Whitney Houston, écoulé à 25 millions d'exemplaires dans le monde en 1985.

C'était une enfant de la soul. Fille de la chanteuse gospel Cissy Houston, cousine de Dionne Warwick, filleule d'Aretha Franklin. Sa voix, au registre remarquable, avait ce bagage, cette couleur, ce supplément d'âme, hérité d'une enfance à chanter dans les églises. Elle n'était pas qu'une simple technicienne ayant apprivoisé ses octaves. Elle était, au sommet de son art, la diva à l'aune de laquelle se mesuraient les autres divas.

En 1992, au faîte de sa popularité, elle a tenu la vedette aux côtés de Kevin Costner dans The Bodyguard, romance cousue de fil blanc dont la bande originale a connu un succès phénoménal grâce à sa version d'une chanson de Dolly Parton, I Will Always Love You. Elle en a irrigué de crescendos les moindres contours, créant, pour le meilleur et pour le pire, un nouveau standard de la ballade à l'eau de rose pour aspirantes chanteuses dans tous les concours, spectacles amateurs et mariages de la planète.

La même année, son propre mariage avec le bad boy du boys band de R&B New Edition, Bobby Brown, allait casser pour toujours l'image polie et proprette, de vêtements pastel et de dents blanches, de ses débuts. Derrière la good girl ne se cachait plus la bad girl qui, en 15 ans d'un mariage aussi houleux que médiatisé (jusqu'à une triste téléréalité, en 2005), au gré d'épisodes de violence conjugale et de cures de désintoxication, a affiché publiquement sa progressive déchéance.

Du sommet de l'arc-en-ciel au plus creux des fossés, de l'image (créée de toutes pièces?) d'une jeune femme équilibrée à celle d'une loque rongée par ses démons, la vie de Whitney Houston aura correspondu aux pires clichés du showbiz américain. Archétypale Musicographie, «du firmament des stars aux tréfonds de la drogue», sans rédemption au dernier chapitre.

L'histoire de la chute longue et douloureuse, au vu de tous, d'une reine de la pop, dans une ère de prêt-à-jeter.

En écoutant l'hommage, émouvant, sobre et senti, de Jennifer Hudson à Whitney Houston, dimanche, à la soirée des prix Grammy, je me suis demandé combien, parmi les chanteuses pop du moment - Rihanna, Nicki Minaj, Katy Perry -, subiraient le même sort que «La Voix». Combien d'entre elles sont condamnées à être démodées avant l'âge de 35 ans? À ne pas savoir gérer les contrecoups de leur célébrité? À s'éteindre comme Amy Winehouse?

Elle est belle, Adele. Elle a une voix riche, texturée, exceptionnelle. Sa ballade Someone Like You, inspirée par une rupture amoureuse, est en voie de devenir, à son tour, un standard des concours de chant à la Star Académie. La Britannique a connu la célébrité mondiale à 22 ans. Whitney Houston avait le même âge quand elle est apparue, comme une lumière, sur la scène pop internationale. Personne ne se doutait de la noirceur qui l'attendait.

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