Hier, à midi pile, CISM célébrait ses vingt ans d'existence sur la bande FM. Vingt ans à célébrer ce que l'on appelle, faute de mieux, les musiques émergentes, et à servir de tremplin à des communicateurs en tous genres. (Certains de ses animateurs, on le sait, sont devenus célèbres: Véronique Cloutier, Sébastien Benoît, Anne-Marie Withenshaw...)

La radio étudiante de l'Université de Montréal, «la plus à gauche sur la bande FM» à l'époque où j'y étudiais au début des années 90, ne m'a jamais autant intéressé qu'aujourd'hui. Un paradoxe qui a probablement plus à voir avec mon propre décalage musical qu'avec l'évolution de la qualité de sa programmation.

J'ai toujours été à la remorque des tendances du jour - en musique comme dans le reste. Aujourd'hui, en plus d'être décalé, j'accuse mon âge. Je ne découvre plus, par d'autres circuits «alternatifs», les Monsieur Toad ou Féroce F.E.T.A. du moment. Alors je me tourne régulièrement vers le 89,3 FM pour me fournir en nouvelle dope musicale.

J'y trouve assez souvent mon compte en musique québécoise comme internationale. Grâce à CISM, je sais par exemple que The Rural Alberta Advantage, dont j'avais aimé le précédent Hometowns, a un nouvel album. J'aime, par hasard dans l'auto, tomber sur les nouveaux Dears, Malajube ou Go! Team, découvrir Braids, ce groupe-dont-tout-le-monde-parle, ou entendre une vieille toune de Noir Désir ou de Teenage Fanclub.

Aucune idée qui est Monogrenade, numéro un au palmarès francophone cette semaine, mais je soupçonne qu'il n'y a nulle part ailleurs qu'à CISM que je pourrai l'apprendre. Je suis prêt à souffrir bien des animateurs au vocabulaire emprunté, qui disent «pièce» 25 fois l'heure et «ma foi» aux trois phrases, pour assouvir mes désirs de «nu muzik», comme disait jadis Claude Rajotte. Et de temps à autre, découvrir, en plus d'une nouvelle «pièce» d'un band de Sherbrooklyn, un animateur ou une animatrice au talent incontestable derrière le micro.

Si je suis devenu un auditeur assidu du 89,3 FM, c'est aussi, franchement, parce que le paysage musical radiophonique est désolant. Soit, Espace Musique propose quelques émissions fort intéressantes (celle de Stanley Péan, notamment), mais sa programmation est tellement éclatée que, dans la même demi-heure, l'on peut entendre du Jimmy Hunt, du Céline Dion et du Marc Hervieux. Trop de décalage, même pour moi.

En voiture, quand me prend le goût d'écouter autre chose que mon iPod et que je suis à la recherche de musique intéressante, c'est le désert. Alors je me rabats souvent sur CHOM, qui célèbre aussi un anniversaire cette année, son 40e, et je croise les doigts pour ne pas tomber sur du Triumph, du April Wine ou un autre groupe canadien que l'histoire du rock préférerait avoir oublié. Dimanche, j'ai pu écouter avec plaisir du vieux Jane's Addiction et du récent Arcade Fire, non sans avoir enduré du Rush. Malheureusement, les nouvelles chansons à CHOM sont diffusées au compte-gouttes, comme sur la plupart des autres chaînes radio.

Pourquoi n'y a-t-il pas davantage de nouvelle musique à la radio? Parce qu'il n'y a pas plus frileux qu'une radio commerciale. La radio est allergique à la nouveauté et à la diversité. Elle a déterminé que son auditeur cible était en fait une auditrice, âgée entre 45 et 55 ans, appréciant les chansons d'amour un peu sirupeuses. Et elle est déterminée à lui offrir ce qu'elle aime, rien de plus, rien de moins. Tant pis pour Monogrenade, Karkwa, Galaxie et autres Martin Léon.

En 2004, selon l'ADISQ, les 15 chansons francophones les plus diffusées dans les radios privées occupaient la moitié du temps d'antenne total alloué à la musique francophone. En 2006, pour un total d'environ 837 chansons québécoises francophones disponibles pour radiodiffusion (en comptant une moyenne de trois chansons par disque), de 1 % à 10 % seulement avaient été diffusées par les différentes radios commerciales. Bonjour la nouveauté.

Il n'y a pas d'étude plus récente sur la diversité du contenu musical à la radio, me disait-on hier à l'ADISQ, mais il n'y a rien non plus pour laisser croire que la situation s'est améliorée. Au contraire. En décembre, l'ADISQ révélait qu'aucune des stations commerciales de format Grands succès des marchés de Montréal, Québec, Gatineau, Trois-Rivières et Drummondville n'atteignait les quotas réglementaires de musique francophone, soit 65 % pour la semaine de radiodiffusion et 55 % pour la période de grande écoute.

Les radios commerciales tentent de plus en plus de contourner les quotas avec des montages de courts extraits et n'ajoutent que très rarement de nouvelles chansons à leur «rotation». C'est dans ce contexte que le 20e anniversaire de CISM prend tout son sens. Depuis hier, le 89,3 FM propose d'ailleurs une programmation spéciale, avec plusieurs «anciens», dont Marie Plourde hier et le collègue et ami Richard Labbé, ex-directeur musical, vendredi.

Malgré l'improvisation, les hésitations et les maladresses de certains de ses animateurs - qui font, quand on y pense, tout le charme de cette radio de la «marge» -, CISM mérite toutes les fleurs qu'on lui lance ces jours-ci. Pour son audace, son flair et sa diversité. Et surtout, pour la méchante bonne musique qu'elle nous permet d'entendre.