Les Québécois consacrent aujourd'hui plus de temps à consulter l'internet qu'à regarder la télévision. Et le pourcentage d'internautes québécois qui regardent la télévision sur le web a bondi de 14% à 24% dans la dernière année, selon un sondage Léger Marketing mené en août pour le compte du CEFRIO (Centre francophone d'informatisation des organisations).

Rien de trop étonnant. Les trois quarts des Québécois fréquentent régulièrement le web, et de plus en plus parmi eux sont désormais sous perfusion virtuelle constante, téléphones intelligents et tablettes numériques aidant. L'internet pour s'informer, l'internet pour communiquer, l'internet pour se divertir (musique, films, jeux vidéo, webséries et tutti quanti).

Oui, l'internet change le monde. Et le monde de la télévision n'y fait pas exception. Sauf que... Ce n'est pas parce que le web est plus fréquenté qu'elle, que la télé est moins populaire. L'ours moyen passe aujourd'hui plus de temps que jamais devant un écran, tous types et formats confondus. Au travail, au repos et dans les loisirs, comme le répétait la vieille pub de Mars.

On serait spontanément porté à croire que l'exploration du web et l'écoute de la télé sur le web se font au détriment de la télé traditionnelle. Ce n'est pas le cas. Non seulement l'internet ne semble pas avoir le moindrement entamé la popularité de la télé, mais selon plusieurs observateurs, il contribue - notamment grâce à l'impulsion des médias sociaux - à promouvoir le contenu du petit écran.

On a eu beau annoncer ces derniers temps la fin des médias de masse tels qu'on les connaît, constater la multiplication infinie des plateformes de diffusion, s'inquiéter de la fragmentation des auditoires et de la menace pour les médias traditionnels de YouTube ou de Facebook, les Québécois regardent de plus en plus de télévision.

En 2004, les Québécois francophones consacraient en moyenne 29h par semaine à des émissions de télévision. Aujourd'hui, ces mêmes téléspectateurs regardent en moyenne 33,7h de télé hebdomadairement, selon les sondeurs de la firme BBM. La progression est constante. En 2009, les Québécois francophones passaient une heure de moins devant le petit écran; en 2008, deux heures de moins.

Le phénomène, qui s'explique entre autres par la multiplication des chaînes, n'est pas typiquement québécois (contrairement à la tradition de se masser collectivement devant un téléviseur, le 31 décembre au soir). Avec la démocratisation de l'internet et des appareils pour y accéder, l'écoute de la télévision n'a pas davantage diminué au Canada dans son ensemble qu'au Québec, au cours des dernières années. Selon le plus récent Rapport de surveillance du CRTC sur les communications, les adultes regardent en moyenne 29h de télévision par semaine a mari usque ad mare; une donnée stable depuis 2006.

En 2010, selon Nielsen, les Américains ont regardé plus de télévision...que jamais dans leur histoire. L'an dernier aux États-Unis, les téléspectateurs ont passé en moyenne 34h par semaine devant leur petit écran, notait dimanche le New York Times. Imaginez: si chaque Québécois s'astreignait à une petite demi-heure par semaine de La série Montréal-Québec, on supplanterait les Américains à leur sport national (je sais, j'en demande trop).

J'ai cessé l'étude des mathématiques il y a un bail, bien avant de pouvoir approfondir le calcul différentiel et intégral. Il me semble néanmoins que si l'on fait la somme de toutes ces heures passées devant un écran - quelque 34h devant la télé, encore davantage devant l'ordinateur -, et que l'on soustrait les heures de sommeil, celles du repas ainsi que les minutes essentielles à une hygiène de base, il ne reste plus beaucoup de temps, dans une semaine, pour piquer une jasette avec un être humain en chair et en os, pratiquer un sport de glisse ou aider un enfant à faire ses devoirs.

En fait, si l'on fait exception de la nuit (et des sorties au cinéma), le Québécois moyen, selon mes savants calculs, passe environ les deux tiers de son temps assis, immobile, devant un écran. À se demander pourquoi il a des kilos en trop.