Les engorgements ahurissants qui touchent l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau ne tiennent pas qu'au nombre de guérites en service, non plus qu'à la configuration de la salle des arrivées. Ils ne tiennent pas non plus au fait que l'aéroport de Montréal reçoive de plus en plus de vols. N'est-il pas dans la nature d'un aéroport de recevoir des... avions ?

Et n'est-il pas normal, compte tenu des décalages horaires, que l'après-midi soit la période la plus occupée à Montréal ? Une compagnie aérienne qui ferait partir ses vols en provenance d'Europe pour l'Amérique à 3 h du matin ferait vite faillite !

C'est au sein de l'Agence des services frontaliers, dans son mandat et ses façons d'agir, qu'il faut chercher la raison du mal chronique qui touche nos grands aéroports - pas seulement à Montréal. Il y a longtemps que les voyageurs se plaignent d'attentes déraisonnables à l'aéroport international de Toronto.

J'ai atterri dans des aéroports épouvantables et jamais je n'ai attendu plus de deux heures comme cela arrive trop souvent chez nous.

Il y a quelques années, je suis passée sans délai excessif par l'aérogare de New Delhi, qui était alors dans un état de délabrement absolu (il a été rénové depuis). À Katmandou, il y a deux ans (avant le tremblement de terre), l'attente était d'environ trois quarts d'heure, incluant la procédure des visas. Même chose dans des mégapoles désordonnées comme Bangkok ou Jakarta, où le trafic aérien est bien plus intense qu'à Montréal.

J'ai visité la Chine dans ses années totalitaires, en 1981 et en 1986, et l'on passait facilement à la douane si l'on avait les bons papiers. En Israël, où les services de sécurité sont toujours sur un pied d'alerte, l'attente est longue mais ne dure pas 2 h 30 min !

Que dire de l'entrée via les airs aux États-Unis, ce pays si pointilleux en matière de sécurité intérieure ? Deux, trois questions, un tampon, et voilà tout.

Comment se fait-il que même avec la menace terroriste, le contrôle au guichet de la Police des frontières de l'aéroport Charles-de-Gaulle ne dure que le temps de tamponner votre passeport ?

Une fois vos bagages récupérés, vous passez devant le poste de douane avec vos grosses valises... et vous continuez vers la sortie. Aucun formulaire à remplir, aucune question. Il va de soi que les mêmes douaniers arrêtent parfois des passagers pour trafic de drogue ou contrefaçon. Je ne sais pas comment ils dépistent les suspects (profilage ? signalement ? provenance du vol ?), mais l'immense majorité des voyageurs, de même que les Français qui rentrent chez eux, ne sont jamais interrogés à la douane.

Chez nous, c'est le règne de l'absurde. En 2011, Alain Dubuc soulignait que nos douaniers sont armés et vêtus de gilets pare-balles même si les aérogares sont les endroits les plus « sécuritaires » au monde. Tous les passagers ont été fouillés avant l'embarquement ! De nos jours, même les bagages en soute sont examinés électroniquement (sur Air Canada, on ne peut plus mettre une tablette iPad dans sa valise, il faut l'emporter en cabine et la présenter à la sécurité).

L'absurde ne s'arrête pas là. L'ASFC a un mandat excessivement large, qui dépasse de beaucoup la nécessité de veiller à la sécurité intérieure, de contrôler l'immigration et les trafics illégaux. Elle doit appliquer plus de 90 lois et une pléthore de règlements comme celui qui régit l'espacement des barreaux des parcs pour bébé !

On s'attend à ce que l'ASFC examine les conteneurs qui arrivent dans les ports, voire les camions à la frontière terrestre, car c'est par là qu'arrivent les quantités massives de marchandises illégales. Certainement pas dans les deux valises que transporte le passager typique des lignes aériennes.

De tout temps, la culture douanière du Canada a été imprégnée de puritanisme (d'où les restrictions sur l'alcool) et de protectionnisme désuet. Même à l'époque où il n'y avait pas deux pieds de vigne au Canada, nos services frontaliers interdisaient « l'importation » (sic) de plus de deux bouteilles de vin !

Et qu'importe si le Canada, membre de l'ALENA, s'apprête à conclure d'autres accords de libre-échange avec l'Europe et la zone Pacifique !

On continue à surveiller avec un soin maniaque les petits achats des voyageurs qui rentrent au pays.

Les plafonds d'achats qu'on nous imposait autrefois étaient si irréalistes qu'ils ne faisaient qu'inciter les voyageurs à tricher. On a rehaussé ces plafonds, mais on continue à pratiquer des politiques vexatoires qui n'ont d'équivalent nulle part ailleurs... et qui expliquent en grande partie pourquoi les files s'allongent à la douane aéroportuaire.

Pourquoi les particuliers sont-ils présumés coupables de trafic illégal ? En quoi une conserve de foie gras ou la pomme qu'on n'a pas eu le temps de manger durant le voyage menacent-elles la santé publique ? Pourquoi les passagers qui n'ont rien acheté à l'étranger ou n'ont rapporté que d'innocents souvenirs de voyage devraient-ils être contrôlés ? Pourquoi les passagers sont-ils sommés d'expliquer la raison de leur voyage ?

Pourquoi pas un corridor distinct pour les citoyens canadiens, obligés de faire la queue avec les touristes et les demandeurs d'asile avant d'accéder à des bornes automatisées qui n'accélèrent en rien le processus et sont souvent hors service par-dessus le marché ?

Et pourquoi ces formulaires débiles auxquels il faut répondre sous peine d'être refoulé à la frontière de son propre pays ? Dans quel autre pays vous demande-t-on si vous allez bientôt visiter une ferme ou si vous transportez des semences ou du poisson ?

La seule façon d'échapper à l'attente est de se procurer une carte Nexus... au coût de 50 $ par personne ! Un privilège inaccessible à la classe moyenne.

La vocation essentielle de l'ASFC, cette grosse machine bureaucratique qui terrorise inutilement les voyageurs, est de percevoir les taxes non payées sur les achats à l'étranger. Voilà un outil de perception fiscale aussi coûteux qu'inefficace. Il en coûte des centaines de millions par année pour aller chercher quelques dizaines de millions de dollars en TPS !

Un gouvernement intelligent réduirait de façon draconienne le mandat de l'ASFC pour concentrer son rayon d'action sur ses missions essentielles.

Les liseuses

J'ai reçu beaucoup de réactions sur ma chronique de jeudi dernier, intitulée « Livre ou liseuse ? ».

J'y parlais des avantages et des inconvénients d'une liseuse de marque Amazon, tout simplement parce que c'est ce que j'ai. Mais nombre de lecteurs vantent les mérites de la liseuse Kobo, laquelle permet, d'après eux, le partage des livres et les emprunts aux bibliothèques - une formule beaucoup plus flexible que celle des liseuses Amazon, qui se présentent comme un système fermé.

Certains lecteurs auraient toutefois trouvé le moyen de contourner les limitations d'Amazon, et affirment que les livres enregistrés sur une liseuse Amazon peuvent être transférés à d'autres lecteurs. Plusieurs m'indiquent en détail la façon de procéder et je les en remercie. Mais n'étant pas une spécialiste en la matière, je ne vais pas m'aventurer sur le terrain des informations techniques. À ceux que la chose intéresse de trouver la façon de partager leurs livres...