Tout compte fait, peut-être le NPD a-t-il intérêt à emprunter la voie que lui propose son aile gauche et à embrasser le manifeste radico-écolo qui a séduit une bonne partie des délégués au congrès d'Edmonton tout en précipitant la chute de Thomas Mulcair.

Pareille évolution le priverait de l'espoir de former le gouvernement et transformerait le parti en groupuscule... mais bon, l'autre solution - la voie du centre - a été essayée et cela n'a rien donné.

De toute façon, l'aile radicale du NPD fédéral, congénitalement coupé du pouvoir (contrairement aux NPD provinciaux), s'est toujours régalée de ce statut plus ou moins marginal, qui nourrissait ses propensions naturelles à l'abnégation. Qu'est-ce que le pouvoir, quand on peut être la « conscience sociale » du pays et prodiguer des leçons de morale à tout le monde sans devoir se salir les mains dans le cambouis de la politique réelle ?

L'aile modérée du NPD devra renoncer au désir de retrouver son statut éphémère d'opposition officielle, car le parti tel que l'avaient bâti Jack Layton et Thomas Mulcair n'a guère de place dans la configuration politique actuelle.

Le gouvernement de Justin Trudeau paraît promis à un second mandat, à moins de catastrophe imprévue. Si le NPD essaie de devenir le clone du PLC (avec en plus un petit je-ne-sais-quoi de gauche), ce sera peine perdue, car le centre gauche sera occupé pendant fort longtemps. Les électeurs préféreront l'original à la copie, d'autant plus que la « marque » libérale est beaucoup plus forte que l'étiquette assez confuse du NPD.

Les citoyens trouveront également leur intérêt à ce que le NPD retourne à son rôle traditionnel d'objecteur de conscience, car il serait sain que le gouvernement Trudeau soit flanqué, sur sa gauche, d'un chien de garde vigilant. Un peu comme Bernie Sanders, dont la présence vigoureuse force Hillary Clinton à adopter des positions plus progressistes.

Reste à savoir qui voudra... et pourra diriger ce parti radicalisé, redevenu plus que jamais un tiers parti.

Un chef modéré, comme le seraient Alexandre Boulerice ou Nathan Cullen, aurait un mal fou à négocier chacune de ses positions avec les dissidents regroupés autour du manifeste intitulé Leap (Un bond vers l'avant), lequel propose ni plus ni moins qu'une révolution socioéconomique qui ferait du Canada un État ennemi du libre-échange et du libéralisme économique, et une enclave écologiste d'où serait bannie toute exploitation des hydrocarbures.

Le NPD a souvent abrité des courants contestataires (ainsi, le « Waffle » des années 70), mais Leap sera une présence beaucoup plus encombrante parce que son programme, calqué sur l'écologisme pur et dur, est extraordinairement radical.

En plus, c'est de Leap que viendrait peut-être le sauveur dont les néo-démocrates souhaitent l'avènement. Avram « Avi » David Lewis, 47 ans, serait la réponse idéale du NPD à Justin Trudeau.

Lui aussi est bel homme (mais dans le genre viril). Lui aussi est une personnalité médiatique, ancien animateur à MuchMusic et à la CBC. Lui aussi est bien marié à une superbe femme qui est aussi une essayiste et une vedette de la gauche internationale (Naomi Klein).

Et lui aussi descend d'une dynastie politique ! Il a sur Justin Trudeau l'avantage d'être non seulement « le fils de », mais « le petit-fils de »... David Lewis, chef du NPD de 1971 à 1975. Père : Stephen Lewis, ancien chef du NPD ontarien, personnalité en vue de l'ONU. Il n'y a pas mieux comme pedigree !

Avi Lewis, cinéaste militant, est déjà fort occupé et a fait savoir qu'il n'est pas intéressé à la direction. Mais lui-même et son père ont joué un rôle important au congrès, et qui sait si, advenant que le NPD post-Mulcair penche résolument vers la gauche, il saurait résister à l'appel du parti qui aurait fait sien le manifeste qu'il a piloté...