Comment un gouvernement québécois peut-il s'éloigner à ce point de la majorité francophone ?

Selon un récent sondage Léger, seulement un francophone sur cinq appuie le PLQ. L'opposition se partage les trois-quarts des francophones, la part du lion allant au PQ (37 %) et à la CAQ (25 %).

Seul l'appui massif des non-francophones permet au PLQ de devancer l'opposition officielle, mais par seulement trois points, et encore seulement à Montréal.

À Québec, les libéraux sont passés en un mois de 43 % à 25 % d'appuis !

Comment expliquer cela ?

Il y a bien sûr les arrestations de l'UPAC, les restrictions budgétaires, l'opacité de la trajectoire de ce gouvernement qui rationne puis redonne, la médiocrité de plusieurs ministres, les privilèges consentis aux médecins... mais il doit y avoir quelque chose de spécifique dans la désaffection des francophones.

Ces derniers reprocheraient-ils au gouvernement Couillard son refus de rouvrir la Constitution ou de ne pas chercher noise au fédéral ? Ce serait bien surprenant. Lui reproche-t-on son allergie à la souveraineté ? Certainement pas, quand on voit à quel niveau d'appui cette option en est réduite dans une population que le mot « référendum » suffit à affoler.

Hypothèse plus probable : les deux rivaux du premier ministre ont repris du poil de la bête. Pierre Karl Péladeau, après une descente aux enfers, a acquis de l'assurance. François Legault, nationaliste mais (pour l'instant) pas souverainiste, répond à la sensibilité populaire.

À qui se sont identifiés les francophones, quand ce dernier, qui s'inquiétait de la capacité du Québec à accueillir plus d'immigrants, s'est fait accuser par M. Couillard de « souffler sur les braises de l'intolérance » ? Je ne dis pas que les inquiétudes du chef caquiste étaient fondées, mais il était inacceptable de lui imputer des motifs sordides.

M. Couillard n'a pas à faire compétition au PQ sur le terrain du nationalisme. Mais il pourrait être plus sensible aux préoccupations identitaires, en s'intéressant par exemple à l'avenir du français. Cela ne serait pas du sectarisme, tout est une question de mesure.

Hélas, le premier ministre semble englué dans la rectitude politique, à un point où il est en train de devenir le clone de Justin Trudeau.

Qu'est-ce qui l'empêche de qualifier de « terrorisme islamiste » les attentats de Paris et de Bruxelles, ce qui ne serait qu'appeler les choses par leur nom ? M. Couillard préfère les attribuer à des « barbares », comme s'il s'agissait de l'invasion des Ostrogoths dans l'Empire romain ! Le premier ministre croit-il que ses commettants sont si imbéciles qu'ils ne font pas la différence entre leurs voisins musulmans et les tueurs du groupe État islamique ?

Qui peut s'identifier à un premier ministre qui n'a pas eu, contrairement à Stephen Harper, le réflexe de commencer ses discours à l'étranger en français ? Qui ne parle du français qu'à l'occasion des sommets de la Francophonie ? Qui manifeste, avec son infâme projet de loi sur les « discours haineux », plus d'égards à la susceptibilité des Adil Charkaoui de ce monde qu'au principe de la liberté d'expression ?

Face à MM. Péladeau et Legault, qui restent proches des soucis de la majorité francophone, et à Justin Trudeau, qui éclipse par son charisme le terne docteur Couillard, le premier ministre québécois projette une image instable et floue.

Il y a chez lui une sorte d'absence, une indolence, une propension à la distraction. On se demande pourquoi il a tant voulu devenir premier ministre, lui qui ne semble avoir aucun projet, et qui semble gouverner selon l'humeur du moment.

Un jour, la tête enflée par les compliments reçus à la COP de Paris, il part en guerre contre le pétrole. Le lendemain, il se calme et change de sujet. Mêmes atermoiements, dans le passé, sur la Constitution ou sur la position du parti sur la laïcité. On ne sait pas où il s'ancre, et après deux ans au pouvoir, on a le sentiment de ne pas le connaître.