Le barrage mis en place par la gauche a fonctionné : le Front national n'a pu franchir l'étape du second tour aux élections régionales françaises et a mordu la poussière partout, même dans les trois régions où il était en avance au premier tour.

La victoire du Parti socialiste est double. D'une part, en forçant ses candidats à se désister dans les régions où ils étaient en troisième place, il a évité la division du vote anti-FN. D'autre part, il a réussi à conserver cinq régions (sur 13), alors qu'on prédisait qu'il en perdrait bien davantage.

En effet, ces régionales ont en France un peu la même fonction que les élections du « mid-term » aux États-Unis et que nos élections partielles : elles servent non seulement à renouveler le personnel politique au niveau régional, mais aussi à permettre aux électeurs d'envoyer un message d'insatisfaction aux gouvernements.

Compte tenu de la crise économique et de la morosité ambiante, on s'attendait à une très large victoire des Républicains (LR) de Nicolas Sarkozy. Cela ne s'est pas produit, contrairement au schéma classique qui a vu la droite remporter la majorité des régions sous la présidence de François Mitterrand, et la gauche les balayer en 2004, sous la présidence de Jacques Chirac, de même qu'en 2010, durant le mandat de Nicolas Sarkozy.

La perte de l'Île-de-France (la région-écrin du joyau parisien) représente un dur coup pour les socialistes, mais ils peuvent se réjouir d'avoir évité la déroute appréhendée.

Parler de victoire est évidemment fort exagéré. Hier soir, les deux partis gagnants avaient le triomphe modeste, sachant bien que leurs victoires respectives tenaient en partie à la présence de l'épouvantail du Front national.

Des millions d'électeurs ont voté contre le parti des Le Pen plutôt qu'en faveur des partis de gauche ou de droite.

Là où les socialistes étaient privés de leurs candidats, ils se sont résignés à voter pour la droite républicaine. Nombre d'électeurs de droite, même sans consigne d'en haut, ont fait de même en votant pour le socialiste qui avait le plus de chances de battre le FN.

À ce rejet massif de l'extrême droite, qui montre la vigueur du sentiment démocratique en France, se sont ajoutés deux autres facteurs : la légère amélioration de l'image du couple Hollande-Valls, dont les scores sont en légère hausse depuis les attentats du 13 novembre, de même que la hausse de la participation, qui a été en moyenne de 10 % supérieure à celle du premier tour, et plus élevée dans les régions où le FN dominait au premier tour.

Du côté de la droite, la performance décevante de LR aux régionales va relancer plus fortement que jamais la lutte en vue des primaires de 2016, qui désigneront le candidat des Républicains aux élections présidentielles de 2017. Le leadership de Nicolas Sarkozy, le président du parti qui se voit déjà de retour à l'Élysée, s'en trouvera également fragilisé.

Nathalie Kosciusko-Morizet, la vice-présidente de LR, l'a vertement tancé hier soir, en déclarant que si le PS avait adopté la politique du « ni-ni » de Sarkozy (lequel a refusé de choisir entre le FN et le PS), le Front national serait au pouvoir dans trois régions. L'accusation est dévastatrice, car elle sous-entend que le PS a manifesté plus de moralité politique que Sarkozy.

Le « front républicain » a donc entravé, pour l'instant, l'élan du FN. Oui, mais après ? La classe politique traditionnelle saura-t-elle entendre les raisons pour lesquelles ce parti attire une si grande partie du peuple français ? Si elle n'y arrive pas, le FN a encore de très beaux jours devant lui.