Barcelone est une ville bien agréable, mais les indépendantistes québécois devront choisir une autre destination de pèlerinage politique... et se rabattre sur Édimbourg, où l'autre grande bataille pour l'indépendance n'est pas jouée.

En effet, si les indépendantistes écossais ont encore des chances de gagner leur pari, la cause catalane vient de subir un recul d'importance.

Devant l'irrévocable refus de Madrid, appuyé sur la Constitution espagnole, de leur octroyer le droit de tenir un référendum sur la sécession, les indépendantistes catalans avaient joué le tout pour le tout, et axé les élections régionales sur l'unique thème de l'indépendance, dans l'espoir de transformer le scrutin en plébiscite.

Or, dimanche, ce rêve s'est effondré. La coalition indépendantiste d'Arthur Mas, outre qu'elle n'a pas remporté une majorité parlementaire (six sièges la séparent de la majorité de 68), se trouve également fort loin de la majorité absolue, avec 41 % des voix. Pour former une majorité parlementaire, elle devra gouverner avec une autre formation indépendantiste d'extrême gauche, la CUP (10 sièges)... mais ensemble, les deux groupes ne représentent que 47,8 % des suffrages.

Autre problème, la CUP refuse de se rallier à M. Mas, jugé trop conservateur. Cela présage mal des négociations que le nouveau pouvoir catalan compte mener avec l'État fédéral... lequel doit de son côté tenir des élections nationales en décembre. Ce qui, toutefois, ne changera pas grand-chose, puisque les deux grands partis nationaux, le Parti populaire (droite) et les socialistes, sont également opposés à la sécession.

Faute d'une majorité, les indépendantistes catalans ne pourront engager une épreuve de force avec le gouvernement central. Il leur faudra négocier... mais négocier quoi ? Sans majorité, ils ne peuvent même pas espérer de dévolution de pouvoir substantielle. Et l'opinion internationale n'intercèdera pas en leur faveur.

L'Écosse et la Catalogne ont ceci de commun que, contrairement au Québec, ces deux régions sont les plus riches du pays dont elles veulent se séparer - l'Écosse, grâce à ses ressources pétrolières « offshore », lesquelles toutefois sont durement frappées par la chute du prix de l'or noir. (Le gouvernement indépendantiste d'Édimbourg a demandé à Londres des mesures fiscales d'urgence pour aider son industrie pétrolière !)

La Catalogne, elle, doit sa prospérité moins à ses ressources naturelles (toutefois abondantes) qu'à l'exceptionnelle créativité de sa population, laquelle a toujours été à l'avant-garde de la vie culturelle espagnole.

Si la cause séparatiste catalane paraît compromise, les indépendantistes écossais peuvent garder espoir... quoiqu'ils aient toute une côte à remonter : au référendum de septembre 2014, seulement 44,7 % (beaucoup moins que prévu) avaient voté Oui. Mais la donne pourrait changer avec le référendum que le gouvernement britannique de David Cameron compte organiser d'ici un an sur l'appartenance à l'Union européenne. Si cette consultation devait mener au « Brexit », cela pourrait aider la cause des indépendantistes écossais, qui, eux, tiennent à l'Europe.

Or, un récent sondage montre, pour la première fois, qu'une mince majorité de Britanniques est favorable à la sortie de l'Europe : 43 % le souhaitent, 40 % s'y opposent, et il y a 17 % d'indécis.

La crise des migrants a envenimé les choses. Une forte majorité de 67 % donne raison au premier ministre Cameron pour son opposition au plan bruxellois de répartition des réfugiés. Une pluralité de 29 % va jusqu'à affirmer qu'aucun (« none » !) réfugié syrien ne devrait être accepté en Grande-Bretagne... Un « none » sans appel qui évoque la tragique histoire des réfugiés juifs des années 30 que le Canada a tous rejetés. Une histoire qu'ont racontée Irving Abella et Harold Trooper sous le titre saisissant de None is too many...