Était-ce dans l'esprit de la Charte canadienne des droits et libertés que de condamner des enfants à mort au nom des droits des aborigènes à leur médecine ancestrale?

On dirait bien que oui, quand on apprend que deux petites Amérindiennes atteintes de leucémie sont privées des traitements de chimiothérapie qui peuvent leur sauver la vie, pour se voir confiées à des charlatans.

Premier cas, Makayla Sault, 11 ans, dont les parents sont membres de la réserve des New Credit, en Ontario. En mai dernier, ils ont interrompu le traitement de chimio qu'elle suivait à l'hôpital pour enfants de McMaster, à Hamilton.

Le clan a publié sur les réseaux sociaux des photos de la petite, en la proclamant «guérie». Elle est maintenant en pleine rechute, selon les médecins qui l'ont récemment évaluée, mais la Children Aid Society (l'équivalent de notre DPJ) refuse toujours d'intervenir au nom de l'autonomie culturelle des Amérindiens, contrairement à ce qu'elle le ferait, par exemple, pour les Témoins de Jéhovah qui refuseraient la transfusion sanguine nécessaire à la survie de leur enfant.

Dans ces cas, on retire temporairement la garde de l'enfant à ses parents même si ce sont des «parents aimants».

Deuxième cas, une fillette du même âge, J.J. elle aussi atteinte de leucémie, dont la mère, membre de la réserve voisine des Six Nations, a interrompu la chimio parce que c'était «poison». Cette enfant, comme la première, suit maintenant un traitement aux légumes crus et à l'herbe de blé chez un gourou floridien... qui n'est même pas aborigène!

Cette affaire a abouti en cour, parce que l'hôpital, déjà échaudé par le premier désastre, s'est battu pour poursuivre le traitement de J.J. - un traitement qui, selon les spécialistes, a un taux de réussite de 90 à 95%. Dans ce cas également, la Children Aid Society a refusé d'intervenir.

Le juge Gethin Edward, lui-même membre de la communauté des Six Nations, a débouté l'hôpital parce que, dit-il dans son bref jugement, la mère a le «droit constitutionnel» d'opter pour la médecine aborigène traditionnelle.

Pas un mot sur les droits de l'enfant, pas un mot sur l'efficacité pourtant clairement établie des traitements classiques.

Les doyens du clan des Six Nations, présents en force à l'audience, ont célébré ce jugement comme une victoire «monumentale» pour la cause aborigène.

Retour à la question du début: est-ce là l'esprit de la Charte des droits? Bien sûr que non, comme le prouve le fait que depuis plusieurs années, la jurisprudence détermine que l'on peut aller contre le voeu de la famille quand il s'agit de traitements susceptibles de sauver la vie d'un enfant.

Mais bien sûr, il faut avoir dans l'équation un juge qui fera passer l'intérêt de l'enfant avant l'idéologie et qui sera imperméable aux pressions de sa communauté. Hélas, il y a double standard: la société tolère de la part des Amérindiens des comportements qu'elle n'accepterait jamais venant d'autres groupes.

Le pire, c'est que les deux petites, loin d'être traitées selon la médecine ancestrale, suivent, à des coûts pouvant aller jusqu'à 18 000$, les traitements d'une clinique de massage de Floride, le Hippocrates Health Institute, qui a déjà été poursuivi pour ses prétentions à guérir le diabète et le sida.

Ses traitements contre le cancer sont basés sur l'histoire du roi Nabuchodonosor telle que relatée dans l'Ancien Testament, lequel aurait guéri d'une mystérieuse affliction en se nourrissant d'herbe de blé.

Les dirigeants de l'Institut ont visité à deux reprises les deux réserves pour y promouvoir leur cure-miracle.

Souhaitons que cette affaire aille en appel, et vite, car le temps presse.