Étrange trajectoire que celle de Jean-Martin Aussant. Après avoir rompu avec le Parti québécois en 2011, il fonde un petit parti baptisé Option nationale qui, malgré l'enthousiasme de ses partisans et un battage médiatique sans rapport aucun avec son importance réelle, ne recueillera que 1,9% des voix aux élections de 2012.

Six mois plus tard, le chef d'ON annonçait son départ en pleurant, pour des «raisons familiales». Il faut croire qu'il venait de découvrir qu'il avait des enfants et que le militantisme politique se concilie mal avec la vie familiale. Après avoir multiplié les appels à la pureté idéologique et fait la leçon à tout le monde, M. Aussant retourna donc à Londres pour aller faire de l'argent dans la haute finance.

Bref, le capitaine a abandonné le bateau qu'il avait bâti alors que celui-ci venait à peine de prendre la mer. C'est d'ailleurs pourquoi il aurait dû se garder une petite gêne, avant de comparer l'«équipage» actuel du Parti québécois, dont il recommande la dissolution, à celui du Costa Concordia, ce fameux bateau de croisière déserté par son capitaine en plein naufrage. Disons que dans son cas, la métaphore est drôlement mal choisie.

La lettre qu'il a fait parvenir au Devoir, depuis ses bureaux londoniens, est proprement ahurissante, et d'une prétention sans bornes, venant d'un politicien mineur, tout intéressant et cultivé soit l'homme.

Il exhorte le Parti québécois à se saborder, rien de moins, et à se «refonder» en s'alliant à quelques groupuscules qui, à supposer que Québec solidaire ne fasse pas partie du groupe, recueilleraient moins de 2% d'appuis dans la population! (Avec QS, on passerait, au mieux, à 11%).

Il a beau, excusez du peu, se présenter comme le successeur de René Lévesque (il avait d'abord voulu donner à son parti le nom du texte fondateur du PQ, «Option Québec»), les grandes lignes d'action qu'il propose à ce futur parti souverainiste n'ont rien de visionnaire.

Voyons voir ce qu'il propose: un rapport d'impôt unique, une vieille idée naguère avancée par Mario Dumont et François Legault; une réforme du mode de scrutin incluant une forme de proportionnalité, une idée qui traîne depuis des lustres; et enfin, la gratuité scolaire, une idée empruntée aux carrés rouges et à un rapport datant de 1962 (celui de Mgr Parent).

Les comptables qui ont du temps à perdre vérifieront son assertion voulant que l'argent économisé grâce à l'élimination du rapport d'impôt fédéral pourra financer la gratuité des études universitaires...

Enfin, M. Aussant, qui fait partie des indépendantistes purs et durs (ce en quoi, d'ailleurs, il n'a rien à voir avec René Lévesque), réclame «de l'audace» et un référendum au plus tôt, s'opposant ainsi à Jean-François Lisée et Bernard Drainville, qui sont partisans d'une démarche réfléchie tenant compte de l'état de l'opinion publique. (Avec un sang-froid admirable, ces deux derniers ont répliqué très courtoisement aux propos méprisants de l'ancien oniste en l'invitant à joindre les rangs du PQ.)

«Si j'étais militant péquiste, écrit M. Aussant, je voudrais du vrai leadership!». Ah tiens! Et qui donc serait ce «vrai leader» ? Lui-même, peut-être? Cette sortie bizarre serait-elle l'amorce d'un plongeon dans la campagne au leadership du PQ?

Il partirait sans nul doute avec l'appui de Jacques Parizeau, dont l'épouse a été l'une des fondatrices d'ON et qui a lui-même fait l'éloge de M. Aussant dans une récente interview - sans pour autant en appeler à sa candidature.

Les «raisons familiales» invoquées pour justifier son départ abrupt se seraient-elles volatilisées en moins de deux ans? L'étoile filante changera-t-elle encore une fois de trajectoire? La suite du feuilleton au prochain numéro...