Même les jeunes Québécoises les plus instruites ont plus facilement recours à l'avortement qu'aux moyens contraceptifs les plus sûrs.

C'est ce qui se dégage d'une enquête effectuée auprès de 2345 étudiants de l'UQAM par une professeure de sexologie, Sylvie Lévesque.

On savait déjà que le Québec possède l'un des taux d'avortement les plus élevés en Occident. On pense souvent, à tort, que le recours à l'avortement comme méthode contraceptive est surtout le fait de jeunes filles peu éduquées.

Au contraire, la majorité des avortements, au Québec, sont pratiqués sur des femmes de 25 ans et plus. Cette enquête de l'UQAM nous apprend en outre que les jeunes urbaines les plus instruites ne sont pas à l'abri de l'ignorance... ou de l'étourderie.

Plus d'une étudiante de l'UQAM sur 10 (12,5%) a subi au moins un avortement; 16% de ce total en ont eu deux, et 11% plus de trois.

La majorité (74%) utilise comme contraceptif la pilule - un moyen très sûr... à condition de ne pas oublier de la prendre!

Nombreux (69%) sont les étudiants qui se fient au condom, au mépris du fait que ce ne soit pas le meilleur des contraceptifs: un condom peut glisser ou se déchirer, sans compter que pour la femme, cette méthode a le suprême inconvénient de la priver du contrôle sur la contraception.

Un étudiant sur cinq se satisfait de la méthode la plus aléatoire, le coït interrompu... un passeport pour la grossesse non désirée!

Malheureusement, le moyen de contraception le plus sûr (le stérilet) n'est utilisé que par une petite minorité de 8%. Pourtant, l'insertion d'un stérilet dans l'utérus est la méthode qui convient le mieux aux jeunes femmes sexuellement actives: elle ne requiert aucune attention particulière, contrairement à la pilule. Surtout, elle permet à la femme de contrôler elle-même la contraception, alors que l'usage du condom dépend du bon vouloir ou de la dextérité de l'homme. Le stérilet est, en outre, moins coûteux que la pilule, car il reste en place pour 5 ans.

Le problème, c'est que le stérilet doit être posé par un médecin, soit un gynécologue, soit un généraliste entraîné à cette pratique, car l'insertion ou le retrait d'un stérilet peuvent être un peu douloureux s'ils sont pratiqués par un professionnel néophyte. Or, combien de jeunes femmes ont un médecin de famille ou accès à un gynécologue?

Il y a, bien sûr, la bouée de secours que constitue «la pilule du lendemain», à laquelle 48% des étudiantes de l'UQAM ont eu recours au moins une fois. Mais encore faut-il y penser, et pouvoir s'en procurer une auprès d'un professionnel de la santé.

Mme Lévesque propose l'implantation de ressources dans les institutions d'enseignement, et l'amélioration de l'éducation sexuelle à l'école. Mais il faudrait aussi élargir à d'autres professionnels - infirmières cliniciennes, pharmaciens - le champ de la contraception, qui n'est après tout qu'une réalité de la vie pour toutes les femmes, entre la puberté et la ménopause.

À l'heure où les médecins ne sont pas assez nombreux pour subvenir aux besoins des malades, des jeunes femmes en santé qui ne présentent pas de problème particulier ont-elles vraiment besoin de passer par le cabinet d'un médecin pour s'assurer une protection contre des grossesses non désirées? En France, les sages-femmes peuvent poser un stérilet. Pourquoi pas, ici, des infirmières bien formées pour ce faire?

Au fond, l'idée est de faciliter au maximum la contraception pour éviter le recours à l'avortement, qui ne devrait être qu'une solution de dernier recours, et ne devrait jamais remplacer la contraception. Ce n'est pas parce que l'avortement est un droit qu'il est souhaitable. Agir avant, en somme, plutôt qu'après...