Est-il vrai que des employés de la Direction générale des élections du Québec ont abusivement empêché des étudiants canadiens nés hors du Québec de voter?

Cette affaire devra être tirée au clair, car si les dires de ces derniers sont confirmés, cela serait très grave. Cela voudrait dire que des fonctionnaires censément neutres auraient joué un rôle politique - en l'occurrence en faveur du Parti québécois, puisque c'est de ce côté que sont venues les plaintes contre ce soi-disant «vol d'élection» - une hypothèse aussi absurde que paranoïaque, puisque ces étudiants de McGill ou Concordia habitent pour la plupart dans des circonscriptions libérales!

À en juger par leurs témoignages, de même que par les déclarations confuses en provenance du DGEQ, on exigerait de ces étudiants non seulement une preuve de domicile, mais qu'ils manifestent l'intention de rester au Québec après leurs études!

Cette disposition, qui n'existe dans aucune autre province, est parfaitement arbitraire. Exige-t-on que les étudiants canadiens-français s'engagent à passer leur vie au Québec, avant de les inscrire sur la liste électorale? Pourtant, nombreux seront, dans l'avenir, les petits Lamothe et les petits Tremblay qui s'en iront travailler à l'étranger!

Ce n'est pas à l'État de sonder les motivations des citoyens. Une loi juste ne doit pas reposer sur des considérations aussi fluctuantes et subjectives que les intentions, les souhaits ou les probabilités. La loi doit être claire et objective, à plus forte raison celle qui régit un droit aussi fondamental que le droit de vote.

Les causes que Me Julius Grey portera devant les tribunaux permettront de faire la lumière sur ce sujet.

Le projet de loi sur la Charte des valeurs relève du même esprit. Ici aussi, l'approche juridique est imprégnée d'arbitraire. L'État examinerait les motivations: on absoudrait la femme qui porte un foulard pour cacher la trace d'une chimio, on condamnerait celle qui en porte un par conviction religieuse.

Écoutons Mme Marois sur la question des congédiements dont seraient victimes les employés coiffés d'un voile ou d'une kippa: «La phase de transition pourra, dans certains cas peut-être, être un petit peu allongée s'il y a lieu». C'est vague à souhait, et cela signifie qu'au bout du compte, le gouvernement fera à sa tête, sans qu'aucune balise stable ne protège ces employés.

Même flou en ce qui concerne l'extension de la Charte aux entreprises privées qui feraient affaire avec le gouvernement et aux institutions culturelles et communautaires subventionnées. Elles pourraient peut-être, peut-être pas, ça dépendra des cas et de l'humeur du gouvernement, se voir forcées de congédier des employés.

Le comble de l'arbitraire, c'est cette clause dérogatoire que la première ministre vient de sortir de son sac. Non seulement les minorités seraient-elles brimées dans leurs droits fondamentaux, elles ne pourraient même pas se défendre devant les tribunaux! Ce serait non plus de l'arbitraire, mais de la dictature soft. Quand Duplessis a promulgué sa loi du cadenas, les Témoins de Jéhovah avaient au moins, eux, des recours judiciaires!

Robert Bourassa a utilisé cette clause pour se dérober à une décision de la Cour suprême sur la langue d'affichage. Ce premier ministre velléitaire a préféré prendre le risque de faire couler l'accord du lac Meech plutôt que de faire face à des manifestations de rue. Une fois revenu au pouvoir, il a passé une loi se conformant au jugement de la Cour! Cet épisode empreint de cynisme et de sottise politique n'avait rien de glorieux, mais au moins, dans ce cas, les libertés fondamentales n'étaient pas en jeu, l'affichage commercial (que les juges assimilaient à la liberté d'expression) n'étant pas du même ordre que la liberté religieuse.