Quand Denis Coderre a lancé sa campagne à la mairie, il fut accueilli par un concert de jérémiades. Mais il n'a pas de programme! Mais il n'a pas d'équipe! ... Ce à quoi il répondit: une campagne électorale, ça dure très longtemps. Il ne faut pas tout livrer en même temps, si l'on veut maintenir l'intérêt...

Sages propos d'un homme qui connaissait la musique parce qu'il en était à sa neuvième campagne électorale. Et le voici aujourd'hui en tête, et de loin, sans même avoir eu besoin d'afficher des pancartes à son effigie.

Cette notoriété ne tient pas qu'à sa carrière au fédéral et à son agitation de «Kid Kodak». Elle vient du fait qu'une fois lancé à la conquête de Montréal, le candidat Coderre, sachant qu'en politique il ne faut jamais rien tenir pour acquis, a fait ses devoirs avec le sérieux et la modestie d'un travailleur consciencieux. 

Cet été, alors qu'un Marcel Côté trop sûr de lui trouvait le temps de partir en voyage, Denis Coderre était déjà sur le terrain, à sillonner les rues et les terrasses, les autobus et les entrées de métro. L'été, c'est bien pour faire campagne parce que les gens sont dehors... 

Alors que, de retour au pays, Marcel Côté avouait non sans un léger dédain qu'il n'avait jamais rien fait d'aussi «superficiel» que de serrer des mains, Denis Coderre s'y activait, lui, avec un plaisir évident, et en s'attardant chaque fois pour un brin de jasette, tant il est vrai que la première qualité d'un politicien, c'est une convivialité naturelle, de l'intérêt pour les gens ordinaires. 

Ne sous-estimons pas les politiciens de carrière: l'altruisme fait partie de leurs motivations au même titre que le désir d'être vu et aimé.

On aurait tort, aussi, de sous-évaluer l'importance de l'expérience politique. La politique n'est pas une vocation, c'est un métier qui s'apprend. Lors des rencontres éditoriales auxquelles la Gazette a convié les principaux candidats, Coderre fut le seul à s'y présenter tout seul, sans conseiller pour lui tenir la main. Une bande de journalistes l'attendait dans une salle de conférence? Pas de souci, il avait l'habitude...

Lors du lancement de sa campagne, des voyous masqués ont tout fait pour lui gâcher «sa» journée, en le couvrant de huées et en occupant la tribune. Mais voilà, le candidat en avait vu d'autres, il ne s'est pas laissé démonter. Aux yeux du téléspectateur, en tout cas, il projetait, dans cet environnement hostile, l'image d'un homme qui a du caractère et du courage. 

S'ensuivit, pendant des semaines, une campagne menée rondement. Un parcours sans faute, sans gaffe, sans dérapage.

«Tout le monde», je veux dire tous les décideurs que compte le Québec - en politique, dans les affaires, dans les conseils d'administration des organismes artistiques -, tout le monde donc est à tu et à toi avec Marcel Côté. C'est d'ailleurs lui qui a recueilli le plus de dons, et par une forte marge. Et puis après? Au ras des pâquerettes, après deux mois de campagne, la brillante recrue que le milieu des affaires avait déléguée pour barrer la voie à un Denis Coderre jugé pas assez distingué se retrouve en troisième place... qui plus est, nez à nez et peut-être bientôt dépassé par une Mélanie Joly que personne ne prenait au sérieux il y a un mois!

La politique active est un métier difficile et exigeant. La morale de cette histoire, c'est qu'on ne s'improvise pas politicien sauf dans les très rares cas où le talent naturel supplée à l'expérience. Ceux qui en doutent pourront demander à Michael Ignatieff...