Dans la foulée de la course au leadership du Parti libéral du Québec, on a recommencé à ergoter autour du fantôme d'une réforme constitutionnelle qui n'a d'importance cruciale que dans l'esprit de ceux qui vivent encore à l'heure d'il y a 30 ans, alors que nous travaillions encore sur des machines à écrire mécaniques et communiquions entre nous par la poste de Sa Majesté, et que le XXIe siècle nous apparaissait comme une abstraction aussi lointaine que la planète Mars.

Pierre Moreau et Raymond Bachand ont eu le réflexe salutaire d'éviter ce terrain miné, mais Philippe Couillard, sous l'influence fort mal inspirée de l'ancien ministre Benoit Pelletier (le seul Québécois à qui le mot «Meech» donne des frissons de plaisir), s'est subitement mis à évoquer la possibilité de négociations susceptibles de «ramener le Québec» dans une fédération dont, en fait, il n'est jamais sorti.

Les souverainistes ont profité de ce semblant de débat pour reprocher aux libéraux leur insensibilité face à la question nationale. C'est de bonne guerre, car les souverainistes sont les seuls qui auraient intérêt à ce que le Québec tente de ressusciter le débat constitutionnel pancanadien.

Cette tentative mènerait rapidement à un autre fiasco, ce qui pourrait théoriquement amener un peu d'eau (mais de l'eau bien défraîchie) au moulin en panne de la souveraineté.

Le Canada anglais, déjà plutôt mal disposé en 1987 à accepter l'accord minimal du lac Meech, a complètement changé. Les élégants politologues de Toronto qui se penchaient affectueusement sur la psyché québécoise sont à la retraite, et la population canadienne comprend de moins en moins de descendants de Britanniques qui pourraient être plus ou moins sensibles à l'antique thèse des «deux nations» (une thèse écornée par la montée des revendications autochtones et l'ampleur de l'immigration non-européenne à partir de la deuxième moitié du XXe siècle).

Après deux référendums ratés, le Canada anglais ne se soucie plus de l'«unité nationale» qu'il estime (avec raison, du reste) fort peu menacée. L'Ontario, devenue une «have not province», ne joue plus depuis longtemps le rôle de médiateur entre l'Ouest et le Québec.

La sollicitude inquiète des années 80 a fait place à indifférence mâtinée d'hostilité à l'égard de la classe politique québécoise, le Québec «officiel» étant maintenant vu comme un partenaire pleurnichard, jamais content, qui parasite le pays en empochant, grâce à la péréquation, de quoi se payer des programmes sociaux que les autres provinces n'ont pas les moyens de s'offrir.

C'est cela, le tableau réel. Cela ne veut pas dire que Canadiens et Québécois n'ont pas des affinités et des intérêts en commun, de même que de bons rapports personnels et professionnels, ni que la langue française a perdu de son prestige au Canada anglais. Au contraire, on voit maintenant éclore, dans les milieux éduqués de toutes les grandes villes, la seconde génération des enfants de l'immersion française...

Enfin, qui, ayant séjourné au Canada anglais, peut prétendre qu'un Québécois n'y est pas bien accueilli?

Cela dit, si l'on est incapable de tolérer la situation actuelle, il n'y a qu'une chose à faire: prendre sa carte du PQ et militer pour la souveraineté. Il ne sert à rien de rêver à une énième ronde constitutionnelle, parce que cette idée ne passerait plus dans le reste du Canada.

Mais il y a une autre raison pour laquelle il faut fermer le dossier. C'est que toute reprise des négociations constitutionnelles serait nocive pour le Québec et affaiblirait son statut au sein du Canada.

À mardi pour la suite.