Alors maintenant, que réserve l'avenir à nos amis au sud de la frontière?

L'heure étant aux réjouissances, chaussons d'abord des lunettes roses.

Le président Obama, entré dans son deuxième et dernier mandat, n'aura plus à se soucier de sa réélection. Et pour la même raison - parce qu'il est désormais un «lame duck president» contre lequel il est inutile de se battre avec acharnement - les républicains, tout majoritaires soient-ils à la Chambre des représentants, seront moins belliqueux, plus coopératifs.

En même temps, Obama, libéré de l'objectif électoral, pourra procéder à des réformes plus audacieuses. Il pourrait, par exemple, lancer des programmes fédéraux de soutien spécifiquement destinés aux minorités raciales désavantagées, dans des domaines comme l'habitation, la formation scolaire et technique, etc.

L'arrivée d'une famille noire à la Maison-Blanche n'a rien changé au sort des Noirs, qui restent les premières victimes du chômage et de la pauvreté, avec les conséquences sociales qui en découlent, notamment chez ces jeunes garçons privés de père... et qui se retrouvent en surnombre dans les prisons. (Tous les Noirs, bien entendu, ne sont pas des destitués; il existe, depuis des décennies, une classe moyenne noire nombreuse, entreprenante et instruite; il reste que les plus pauvres des pauvres sont encore les Noirs.)

Soumis à l'échéance électorale de 2012, Obama ne pouvait donner l'impression de privilégier les Noirs. Il s'était contenté de mesures «color blind», destinées (comme l'assurance-santé) aux pauvres en général. Aura-t-il maintenant une plus grande marge de manoeuvre? C'est probablement rêver en couleurs que de le croire.

Chose certaine, ces quatre années de plus permettront au président de modifier l'orientation de la Cour suprême dans le sens du progressisme.

Trois des neuf juges, dont deux nommés par Reagan, ont dépassé l'âge de 75 ans et pourraient mourir ou prendre leur retraite. Or, les juges étant nommés à vie, les nominations à la Cour constituent le legs le plus durable et le plus déterminant de tout président.

Hélas, la vie politique n'étant pas qu'en rose, passons aux lunettes noires.

Obama, à qui la crise économique a fait perdre son allant, pourrait se replier passivement sur ses acquis. Les républicains sous le coup du choc de leur défaite - une défaite qui n'avait rien d'inéluctable, compte tenu de la mauvaise conjoncture économique du pays - pourraient s'enfoncer encore davantage dans l'ornière du Tea Party au lieu de se reprendre en main.

L'extrême droite aura tôt fait de reprocher à Mitt Romney d'avoir adopté des positions trop modérées, trahissant ainsi les idéaux véhiculés par la plupart des candidats aux primaires du parti.

Ces reproches n'ont aucun sens, car au contraire, la seule chance qu'avait Romney était d'attirer les votes des centristes, des indépendants et des déçus d'Obama. Mais justement, la marque du Tea Party, c'est l'irrationalité, le refus de voir la réalité en face.

S'il fallait que le courant extrémiste l'emporte, la Chambre des représentants serait encore plus vindicative, et l'administration Obama, virtuellement paralysée sur la plupart des fronts. Ne l'oublions pas, un président américain est peut-être en principe l'homme le plus puissant du monde, mais il a moins de pouvoirs qu'un premier ministre dans un régime parlementaire britannique.

À long terme, toutefois, l'avenir n'est pas du côté des républicains... qui, plus que jamais dans l'histoire, représentaient mardi les groupes en déclin, leur électeur typique étant un homme blanc non hispanique de plus de 50 ans.

Les forces qui montent et qui, ensemble, constitueront d'ici quelques années la majorité de la population - les jeunes évidemment, les hispanophones, les Asiatiques et les Noirs - ont voté pour Obama. Le second mandat d'Obama sera peut-être décevant, mais les démocrates, eux, ont l'avenir devant eux.