Faute de pain, on mange de la galette... Faute d'être sur la route de la souveraineté (loin s'en faut!), on déguste les tendres paroles de l'Élysée, le président Hollande étant revenu, quoique sans enthousiasme excessif, à la tradition du «ni-ni» immortalisée par... mais par qui, déjà?

On me dirait que cela remonte à Georges Clémenceau ou au président René Coty que je le croirais presque, car il me semble que cela fait des siècles que l'on ergote autour de ces mots-là.

En fait, notons-le bien, M. Hollande, fin renard, ne les a pas prononcés. Au sortir de sa rencontre avec Mme Marois, il a consacré deux bonnes minutes à diverses considérations plutôt banales sans jamais aborder le thème de la souveraineté, sans jamais parler en toutes lettres de «non-ingérence et de non-indifférence», si bien que l'on ne pourra jamais le citer entre guillemets et que la presse électronique n'a eu aucun «sound bite».

M. Hollande s'est contenté de parler de «fraternité et de solidarité», ce qui ne diminuait en rien la portée des mots de son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, qui déclarait l'autre jour que la France entretenait d'«excellentes» relations tant avec le Canada qu'avec le Québec.

Quand un reporter québécois, lors du point de presse traditionnel dans la cour de l'Élysée, a repris le mantra familier - la question que les reporters québécois ont bien dû poser un million deux cent trente-huit mille fois aux chefs d'État français, soit «êtes-vous en faveur (du ni-ni)?», M. Hollande s'est contenté de répliquer que «cette formule existe depuis trente ans et prévaut encore aujourd'hui».

On lit les journaux, à l'Élysée, et le président ne va pas accrocher son drapeau à un radeau qui prend l'eau. D'ailleurs, la seule nouvelle sur le Québec, dans le site web du Monde d'hier, concernait... le témoignage de Lino Zambito.

N'importe. L'affront de Sarkozy, qui avait carrément pris parti pour le fédéralisme, a été lavé. Alléluia!

Triste, quand même, qu'on ait fait tant d'histoires autour d'une formule qui ne dit rien du tout, sauf que la France ne serait pas «indifférente» à ce que les Québécois optent pour la souveraineté. On a déjà vu des appuis plus passionnés et des déclarations d'amour plus ferventes.

Si les souverainistes n'étaient pas dans le déni, ils se diraient que les formules importent peu et qu'il est évident que la France, advenant un vote clair en faveur de l'indépendance, irait bien plus loin que la non-indifférence et serait la meilleure alliée d'un Québec en quête de reconnaissance internationale.

Inutile, d'ici là, de harceler les chefs d'État français en allant quêter compulsivement quelques bénédictions étrangères pour compenser le manque d'appuis domestiques à la souveraineté. La France ne bougera que lorsque les Québécois auront bougé, mais il faudra qu'ils bougent résolument, sans équivoque, à partir d'une question claire et d'une solide majorité!

Cela dit, Mme Marois a dignement fait le pèlerinage obligé à l'Élysée, sans triomphalisme excessif, après s'être comportée fort raisonnablement à Kinshasa, où elle a évité les querelles de tapis rouge qui ont si souvent égayé les Sommets de la francophonie.

Sa première rencontre en face à face avec le premier ministre Harper s'est déroulée harmonieusement, les deux leaders ayant convenu qu'ils ne s'arracheraient pas les champs de compétences. Cet engagement n'a rien de neuf pour M. Harper, dont la philosophie «provincialiste» est bien connue. Quant à Mme Marois, c'est la seule voie qu'elle pouvait prendre comme chef d'un gouvernement minoritaire.