Je veux revenir sur l'intention proclamée par François Legault de voter «non» à un référendum sur la souveraineté. J'y reviens parce que cette déclaration illustre à elle seule deux traits inquiétants du chef caquiste: un manque de finesse politique et surtout, un opportunisme stupéfiant, qui a de quoi soulever un doute sur le sérieux de l'homme.

En se branchant carrément sur le camp du «non», M. Legault s'est privé d'un formidable atout électoral: l'ambiguïté, si chère aux Québécois.

C'est ce qui a déjà fait le succès de l'ADQ. Mario Dumont se tenait sur la branche - quitte, comme en 1995, à s'allier ponctuellement au camp souverainiste, en se réservant toutefois pour l'avenir le droit de mener une politique d'accommodement avec Ottawa. Une stratégie intellectuellement indigente, qui avait de quoi répugner à ceux qui aiment les idées claires, mais une stratégie habile.

En fondant son parti, M. Legault l'avait reprise à son compte: l'indépendance, peut-être un jour, mais pas maintenant...

Et puis soudain, le voici qui déclare inopinément qu'il voterait non s'il y avait un référendum, tout cela pour grappiller quelques votes dans l'électorat anglophone et chez les fédéralistes déçus du PLQ. C'est effectivement ce qui se passe, selon les sondages, mais le jeu n'en valait pas la chandelle, car en laissant tomber la stratégie de l'ambiguïté, il perd l'immense cohorte des nationalistes mous et des souverainistes désenchantés qu'aurait séduits la stratégie de l'ambiguïté.

Mais il y a plus. La volte-face de M. Legault trahit une effarante légèreté sur une question pourtant fondamentale.

Un peu de logique, S.V.P.! Un référendum ne nous tombera pas dessus comme une averse imprévue. Il n'y en aura un que si un gouvernement péquiste a l'espoir de le gagner. Ce qui implique que les sondages montreraient alors qu'une majorité de Québécois est prête à voter «oui». Faudrait-il croire qu'advenant pareille situation, M. Legault opterait pour le camp du Non, allant ainsi à contre-courant de l'opinion publique qu'il a tout intérêt à ménager comme politicien? Cela ne tient pas debout.

Sur le fond, ce brusque revirement est encore plus troublant. Voici un homme qui est souverainiste depuis toujours. Étudiant, il était «le seul souverainiste» à Sainte-Anne-de-Bellevue. De tous les ministres péquistes, c'était le plus impatient et le plus absolutiste, le seul qui osait prétendre, en jouant sans vergogne avec les chiffres, que seule la souveraineté pourrait guérir les maux économiques du Québec. Le même comptable nous dit aujourd'hui que le même Québec, dont la situation n'a pourtant guère changé depuis, a trop de problèmes économiques pour faire la souveraineté!

On a rarement vu un politicien se contredire à ce point en si peu de temps.

Loin de moi l'intention de reprocher à quelqu'un d'avoir changé d'idée au cours de sa vie. Le Québec est bourré d'anciens indépendantistes, d'anciens «trots» et d'anciens «maos». La différence, c'est qu'en général, il s'agissait d'engagements de jeunesse. Leurs idées ont évolué avec le temps, à mesure que le Québec changeait et qu'eux-mêmes prenaient de la maturité. La «conversion» de M. Legault survient au contraire à l'âge où, normalement, les valeurs et les convictions sont enracinées.

Je ne connais personne qui, sur un enjeu aussi important, ait effectué une volte-face aussi brutale et aussi soudaine aussi tard dans la vie.

Cette impétuosité doublée d'opportunisme serait-elle la spécialité de M. Legault? En 1997, le cofondateur d'Air Transat claquait la porte de l'entreprise inopinément, après avoir vendu ses actions sans en toucher mot à ses associés. Cet étrange comportement augurait peut-être de l'avenir.