C'est un pays minuscule (11 500 km carrés!), moins peuplé que Montréal (1,7 million d'habitants, dont 85% sont des travailleurs étrangers). Et pourtant, le Qatar est devenu un joueur incontournable sur l'ensemble de la planète.

Propulsé par la chaîne Al-Jazira fondée par l'émir Hamad ben Khalifa Al-Thami, ami du Pentagone qui y a installé sa plus grande base aérienne en dehors des États-Unis tout autant que des islamistes et de ben Laden dont sa chaîne se faisait le porte-voix, le Qatar profite insolemment de sa fortune gazière.

Tout en menant à travers le monde une politique d'investissement massif dans tous les secteurs en expansion, y compris les plus symboliques, le Qatar joue maintenant la carte politique.

La crise financière mondiale, qui a poussé les multinationales vers les pays du Golfe, de même que les «printemps arabes», ont fourni au Qatar l'occasion de devenir une sorte de leader du monde sunnite, l'Égypte, le plus grand pays arabe, étant paralysé par une transition problématique.

En Syrie, il prend la tête de l'opposition arabe à Bachar al-Assad.

Alors que l'aviation de l'OTAN bombardait la Libye, le Qatar fournissait discrètement aux rebelles des armes de terre sophistiquées et des conseillers techniques. Lors des célébrations de la victoire, le président Sarkozy, qui avait pris l'initiative de l'offensive, a eu la désagréable surprise de se voir supplanté par l'émir du Qatar.

La section Géo&Politique du journal Le Monde, dirigée de main de maître par Martine Jacot, qui fut dans une vie antérieure correspondante du Monde à Montréal, publiait récemment un dossier sur cet étonnant pays. Il en ressort l'image d'une gigantesque pieuvre qui choisit ses investissements en fonction non seulement de leur rentabilité, mais aussi de leurs retombées prestigieuses.

À Londres, le Qatar possède, en plus d'une partie du capital de la banque Barclay's, le grand magasin Harrod's, une grosse portion du quartier chic de Chelsea et de Canary Wharf, la chaîne alimentaire Sainsbury, le Village olympique... et il achève la construction du «Shard», qui sera la plus haute tour de Londres.

En France, le Qatar vient de mettre la main sur le PSG, le populaire club de foot parisien. Il possède 35 000 mètres carrés sur les Champs-Élysées, des casinos et des hôtels à Cannes. Il a investi dans Lagardère, Vinci, Suez et Veolia.

En Égypte, en Tunisie, au Maroc et en Espagne, il est présent dans l'industrie touristique haut de gamme. Il possède une partie du capital du Crédit suisse. Il est présent en Amérique latine, en Afrique, en Russie, en Inde, en Chine (où il possède le Peninsula, le plus bel hôtel de Hong Kong), à Singapour, en Australie, en Turquie, et j'en passe.

Et puis quoi encore? Eh bien! Disney! Aux États-Unis, le Qatar a investi dans rien de moins que les studios Miramax et General Motors.

Montréal n'échappe pas à la pieuvre. Le 12 avril, le chef de la direction de Qatar Airways donnera une conférence sur les opportunités d'affaires dans les marchés du Golfe...

Sur le marché de l'art, le Qatar est devenu le premier client de la planète. Pour son musée de Doha, il vient s'offrir, pour plus de 250 millions, l'une des cinq versions des Joueurs de cartes de Cézanne, de même qu'un Rothko cédé par la famille Rockefeller pour 72,8 millions.

Pour ses monuments, il embauche les architectes les plus célèbres du monde (Nouvel, Pei, Piano...). La pieuvre a quand même du goût.