Les référendums sont à manier avec précaution. Il y a très peu de grands enjeux qui nécessitent un recours spécial au peuple entre les élections - la souveraineté en est un, indubitablement, de même que l'entrée d'un pays dans une fédération.

Mais pour le reste, l'arme référendaire peut souvent desservir la démocratie et asservir les minorités.

Voyez le référendum suisse sur les minarets, il y a quelques années: c'était remettre à la majorité le sort d'une minorité impopulaire. Plutôt que d'abdiquer face à la vox populi, les élus suisses auraient dû prendre leurs responsabilités et trancher dans le vif du sujet.

Voyez l'usage que Nicolas Sarkozy entend faire du référendum. Il entend, s'il est réélu, soumettre au verdict du «peuple» les réformes que l'opposition oserait contester, notamment sur le contrôle de l'immigration et sur l'obligation faite aux chômeurs de se recycler sous peine de perdre leurs prestations. Les chômeurs, les immigrés... devinez donc quel serait le verdict de la majorité!

Croit-on que les gais auraient eu droit au mariage si l'on avait soumis cette idée à un référendum pancanadien?

Le référendum d'initiative populaire, idée surgie d'un PQ déboussolé, constitue un pas de plus vers le populisme de droite et vers le mépris des élus et de la démocratie de représentation. Car c'est bien de la droite qu'origine cette idée, naguère très prisée par le Reform Party et par les démagogues californiens... qui ont mené leur État à la faillite en limitant drastiquement son pouvoir de taxation.

Mme Marois entend heureusement poser des balises: tout RIP devrait être endossé par au moins 15% de la population, ne pas porter sur des questions fiscales et respecter la Charte des droits. C'est bien le moins qu'un gouvernement responsable puisse faire! Mais le RIP resterait applicable, par exemple, à la question nationale.

Les partisans du RIP s'imaginent qu'il s'agirait là d'un outil pour faire avancer la cause. C'est une grossière illusion.

Scénario no 1: Le PQ est au pouvoir; de multiples sondages montrent que la souveraineté a le vent dans les voiles. Croit-on vraiment qu'un gouvernement souverainiste ne sauterait pas sur l'occasion pour tenir un référendum? Alors pourquoi une pétition?

Scénario no 2: Le PQ est au pouvoir; la souveraineté monte et descend au gré des sondages. Pourquoi le gouvernement devrait-il être l'otage d'une bande d'illuminés qui sont dans le déni de la réalité et le forceraient à tenir un référendum dans des conditions défavorables? La barre des 15% ne serait pas un rempart suffisant contre cette folie.

Scénario no 3: C'est un parti fédéraliste qui est au pouvoir. Un référendum sur la souveraineté? La question ne se pose même pas car ce gouvernement aurait pris soin d'abolir la loi permettant les RIP.

Les partisans du RIP s'imaginent que si la formule avait existé en 1990, alors que la faillite de Meech avait provoqué une brève flambée des appuis à la souveraineté, le «peuple» aurait pu forcer Robert Bourassa à tenir un référendum. C'est une lecture bien naïve de la réalité d'alors.

Au contraire, s'il se dégageait à ce moment-là une exceptionnelle majorité en faveur de la souveraineté, cette petite poussée de fièvre tenait précisément au fait que les électeurs, ambivalents comme d'habitude, savaient très bien que le gouvernement Bourassa n'était pas souverainiste. On pouvait donc, sans prendre de risque, agiter le drapeau comme on ne l'aurait jamais fait si un parti souverainiste avait été au pouvoir.

Comme l'écrivait ici très justement le politologue Robert Asselin, «une démocratie ne se gère pas à coup de sautes d'humeur ou d'impulsions du moment.»