On apprenait l'autre jour que l'excellent Yves Jacques tiendra le rôle de George Bush père dans un téléfilm français consacré à la présidence de François Mitterrand. Son apparition se situera au début du film, alors que Bush est vice-président et que Mitterrand vient tout juste d'être élu, au grand désarroi des Américains, qui voient avec effroi l'Élysée tomber aux mains d'un partenaire du Parti communiste.

On apprenait l'autre jour que l'excellent Yves Jacques tiendra le rôle de George Bush père dans un téléfilm français consacré à la présidence de François Mitterrand. Son apparition se situera au début du film, alors que Bush est vice-président et que Mitterrand vient tout juste d'être élu, au grand désarroi des Américains, qui voient avec effroi l'Élysée tomber aux mains d'un partenaire du Parti communiste.

Le film, révèle Yves Jacques, montrera Bush au moment où il arrive en catimini à l'Élysée peu après la victoire de Mitterrand.

Le portrait serait bien différent si le scénario couvrait aussi les relations entre les deux hommes, une fois Bush devenu à son tour président et Mitterrand bien installé au pouvoir.

Les archives du département d'État, dont le Nouvel Observateur publiait de fascinants extraits en août dernier, montrent au contraire que les relations entre les deux hommes très amicales, et que François Mitterrand était beaucoup plus pro-Américain que ne l'indiquait son discours public.

Dans leurs conversations, au téléphone ou en face à face - conversations certainement assistées d'interprètes, car les deux chefs d'État étaient unilingues -, ils sont toujours sur la même longueur d'onde, qu'il s'agisse de la guerre du Koweït, du Proche-Orient ou de la Yougoslavie.

En janvier 1991, pendant l'offensive anti-irakienne, les deux hommes s'échangent des renseignements régulièrement. «Nous sommes à vos côtés, dit Mitterrand. Je pense beaucoup à vous, aux soldats américains et aux dangers qu'ils traversent.» Mitterrand, comme Bush, veut la reddition sans condition de Saddam. En mars de la même année, ils échangent leurs vues sur Israël, d'accord là-dessus aussi, solidaires de l'État hébreu, mais lui reprochant son inflexibilité.

Échange très relax sur la reine Nour de Jordanie:

Mitterrand: «C'est une belle Américaine.»

Bush: «Elle est pas mal.»

Mitterrand: «Mieux que pas mal.»

Mitterrand: «Je vous ai raconté mon entretien avec Assad (le président syrien). Pour lui, le Liban c'est la Syrie, Israël c'est la Syrie, Jésus-Christ était syrien...» Il rassure Bush sur Castro: «Je ne pense pas qu'un 'hispanique' puisse rester vraiment marxiste.»

Sur la Yougoslavie, qui commence à se diviser: «En Europe, il y a partout des sources de guerre. Il faut développer de grands ensembles... Au fond, l'empire austro-hongrois était bien commode, on a eu tort de le défaire.»

Aveu candide du président français, que Bush interroge sur la sécurité en Europe: «L'Europe n'est pas en état de disposer d'une force commune pour assurer sa sécurité, voilà la réalité. La seule force, actuellement, c'est l'OTAN. Oui, je souhaite que l'Europe ait progressivement les moyens de se défendre elle-même. Si cette espérance est à payer au prix d'une rupture, d'un désaccord grave avec les États-Unis, cela ne vaut pas la peine.»

Le jour même de sa défaite aux mains de Clinton, de son avion Air Force One, Bush écrit à Mitterrand  «Cher François, le soleil se couche sur ma vie publique... Je vous envoie mes remerciements et mon respect, et cette amitié que je chérirai toujours.»

Ces documents ont été déclassifiés par le département d'État parce que le délai de prescription était échu. Ils éclairent l'histoire. Mais peut-on imaginer le tollé que ces conversations auraient déclenché, en France surtout, si les propos de Mitterrand avaient été dévoilés à l'époque où ils les tenaient?

La marche de l'histoire, de même que les relations entre les chefs d'État, doit en effet d'entourer d'un certain secret, au moins pour quelques années. C'est l'enfance de l'art de la politique, quoi qu'en pensent les thuriféraires de WikiLeaks.