C'est le temps du repentir, un réflexe bien chrétien ! Dans la foulée de la révolution tunisienne, que peu d'observateurs avaient vue venir, nombreux sont ceux qui somment l'Occident de faire son acte de contrition pour avoir entretenu de bonnes relations avec la Tunisie de Ben Ali. Le président français, Nicolas Sarkozy, a même dû faire son mea culpa, en ajoutant un bémol fort opportun: l'ancien colonisateur, dit-il, est bien mal placé pour intervenir dans les affaires de son ex-colonie.

C'est le temps du repentir, un réflexe bien chrétien ! Dans la foulée de la révolution tunisienne, que peu d'observateurs avaient vue venir, nombreux sont ceux qui somment l'Occident de faire son acte de contrition pour avoir entretenu de bonnes relations avec la Tunisie de Ben Ali. Le président français, Nicolas Sarkozy, a même dû faire son mea culpa, en ajoutant un bémol fort opportun: l'ancien colonisateur, dit-il, est bien mal placé pour intervenir dans les affaires de son ex-colonie.

Même l'administration Obama, qui avait pourtant très tôt pressenti la gravité de la situation - peut-être grâce à des diplomates moins complaisants que ceux de l'ambassade française à Tunis - se voit tancée. Même le Canada, qui n'a jamais joué un rôle de premier plan au Maghreb, passe au banc des accusés. Un politologue reprochait cette semaine à Ottawa d'avoir eu des relations commerciales avec la Tunisie, ce qui, d'après lui, contraste avec sa sévérité envers la Syrie et l'Iran, des pays qui «osent affronter les États-Unis»... comme si le fait d'affronter les États-Unis était une vertu en soi!

Oublions ces propos échevelés. Les États ont des intérêts et leur premier devoir est envers leurs propres citoyens.

La France préfère voir le Maghreb aux mains de régimes autoritaires et corrompus plutôt que de voir s'installer à ses portes des gouvernements islamistes intégristes.

Les États-Unis, première cible du terrorisme d'inspiration wahabbiste, considèrent avec raison qu'une dictature religieuse comme l'Iran est pire à tous égards que des régimes autoritaires mais séculiers, et que la montée de l'islamisme radical constitue un très grand danger, non pas seulement pour ses citoyens, mais aussi pour les valeurs occidentales (qui sont aussi les nôtres, faut-il le rappeler).

À l'échelle du malheur humain, toute comparaison est détestable, mais admettons tout de même que le sort des Iraniens, des femmes en particulier, est plus atroce que le fut celui des Tunisiens sous Ben Ali.

Cela ne veut pas dire qu'il faille encenser les dictatures laïques, comme l'ont fait trop souvent les dirigeants français en Tunisie, encore moins les aider à réprimer leurs propres peuples. Bien sûr que non. Mais on ne peut reprocher aux démocraties occidentales de défendre leurs propres intérêts. Certains «alliés» sont peu recommandables? C'est vrai, mais on ne choisit pas ses alliés, on s'accommode de ceux qu'on peut avoir. Cela s'appelle la realpolitik.

S'il fallait que les démocraties n'entretiennent des rapports qu'avec des gouvernements intègres et tolérants, elles ne se parleraient qu'entre elles! Elles excluraient de leur radar le monde arabe au complet, une grande partie de l'Afrique subsaharienne et de l'Asie, et enfin, last but not least, la Chine et la Russie...

N'a-t-on pas reproché au gouvernement Harper, engoncé dans son provincialisme, d'avoir stupidement snobé la Chine pendant quatre ans, parce qu'un Ouïghour doté de la citoyenneté canadienne y était emprisonné? Il y a pourtant moyen de maintenir des rapports fructueux avec des États répressifs, tout en engageant courtoisement ses dirigeants à accorder plus d'importance aux droits humains. C'est ce que font Barack Obama et Hillary Clinton quand ils parlent aux Chinois, et c'est ainsi qu'on fait avancer les bonnes causes.

Ceux qui reprochent à l'Occident d'avoir laissé les Tunisiens sous la main de fer des Ben Ali-Trabelsi devraient faire attention. Préfèrent-ils «le devoir d'ingérence» dont se réclamaient les néoconservateurs américains quand ils tentaient de justifier leurs projets d'invasion en Irak en faisant valoir, entre autres arguments, qu'il fallait libérer ses habitants de la dictature de Saddam Hussein? On a vu où ont mené ces visées insensées. Mieux vaut le réalisme, aussi cynique soit-il parfois, de la voie diplomatique.