Jean Charest se rengorgeait, l'autre jour, en annonçant que grâce à l'injection de 1 milliard de dollars, l'hôpital Sainte-Justine deviendra le premier centre mère-enfant au Canada.

Jean Charest se rengorgeait, l'autre jour, en annonçant que grâce à l'injection de 1 milliard de dollars, l'hôpital Sainte-Justine deviendra le premier centre mère-enfant au Canada.

On a l'impression que le premier ministre s'est rendu compte qu'après trois mandats dénués de réalisations marquantes, il fallait un beau gros projet auquel associer son nom.

Or, quoi de plus sympathique que la santé des enfants? Stephen Harper avait utilisé le même filon avec son plan d'aide à la santé maternelle dans le Tiers monde. Veut-on, cette fois, utiliser le projet de Sainte-Justine pour faire oublier les sables mouvants dans lesquels s'enlise le CHUM? Le CHUM, vous vous rappelez, cet hôpital qui devait ouvrir ses portes l'an prochain, mais qui ne sera livré qu'en 2018... si tout va bien, ce dont l'histoire passée nous permet de douter fortement.

Loin de moi l'idée de jeter une ombre sur l'avenir radieux qui s'annonce dans cette grande institution qu'est l'hôpital Sainte-Justine, mais il faut garder le sens des proportions. Le porte-parole du PQ, Bernard Drainville, n'avait pas tort de s'inquiéter à l'annonce de cet investissement considérable dans la technologie de pointe, dans une province où l'on manque de médecins et d'infirmières et où les infrastructures hospitalières, à Montréal particulièrement, sont en déliquescence.

Même si l'idée de moderniser Sainte-Justine est louable en principe, cette annonce sent à plein nez le calcul politique. C'est la poudre aux yeux dont le gouvernement espère qu'elle nous aveuglera au point d'en oublier le fiasco du CHUM et les maux profonds qui affligent notre système de santé - des maux que le gouvernement Charest, qui est au pouvoir depuis sept ans, ne peut indéfiniment attribuer à ses prédécesseurs.

Cela rappelle l'autre décision intempestive et irréfléchie du gouvernement, une décision qui fera du Québec le seul endroit au monde où les traitements de fertilité coûteux et aléatoires seront accessibles à n'importe qui, y compris aux femmes en âge d'être grand-mères ou à celles qui préfèrent la seringue à l'intervention masculine.

On ne comparera pas cette mesure injustifiée au projet de Sainte-Justine, un projet sérieux qui servira toute la province. Il reste qu'en cédant au lobby larmoyant de Julie Snyder, M. Charest semble avoir saisi au vol une autre opportunité de passer pour l'apôtre de la maternité et de la natalité, le meilleur ami des mères et des enfants. Et tant pis si les contribuables héritent d'un fardeau qui aurait très bien pu être assumé par une fondation privée, et tant pis si les hôpitaux, déjà mal équipés pour faire face aux vrais problèmes de santé, sont débordés par la demande pour ces services superfétatoires.

L'ironie, dans cette histoire, c'est qu'en matière de grand projet hospitalier, M. Charest a déjà raté le coche. En 2004, l'Université de Montréal avait proposé un projet de Cité du savoir et de la santé, un projet qui était, celui-là, vraiment porteur et qui avait beaucoup plus d'envergure que la rénovation de Sainte-Justine, et qui aurait fait de Montréal un centre biomédical reconnu. Mais comme l'affaire était controversée, le premier ministre s'est lâchement abstrait du débat et a laissé ce projet se faire enterrer sous la démagogie de divers lobbies, les magouilles et les luttes de pouvoir.

Cette Cité du savoir et de la santé, sise sur l'ancien site du CP à Outremont, aurait intégré le CHUM, de même que les pavillons des sciences de la santé de l'Université et les centres de recherche biomédicales. Elle aurait aussi inclus dans son rayonnement l'hôpital Sainte-Justine, situé à proximité du site envisagé et qui relève lui aussi de la faculté de médecine de l'Université de Montréal. Une belle occasion perdue... que les derniers effets d'annonce ne pourront pas effacer.