Saisissant, ce reportage que publiait hier La Presse sur l'école privée Saint-Joseph... qui est en train de faire la preuve que la meilleure façon de permettre aux élèves en difficulté de se «raccrocher» à l'école serait de revenir à l'organisation scolaire d'avant la Révolution tranquille!

Cette école de Saint-Hyacinthe a hérité de ses soeurs fondatrices la mission de récupérer les élèves qui n'arrivent pas à suivre, qui redoubleraient chaque année si c'était permis, et qui s'en vont tout droit vers le décrochage. Le tiers de ses élèves entrent dans cette catégorie.

 

On leur offre deux programmes. «Un premier, explique notre collègue Marie Allard, leur permet de faire leurs deux premières années du secondaire en trois ans, les six premiers mois du programme étant presque entièrement consacré à rattraper les retards accumulés au primaire. Le second programme suit le rythme normal, mais en augmentant le nombre de cours dans des matières de base.»

On est revenu à l'époque d'avant le rapport Parent, le fameux rapport qui a créé les polyvalentes, ces grosses usines impersonnelles où vont se noyer les enfants fragiles. L'école Saint-Joseph, en effet, c'est l'antipolyvalente.

Au lieu de galoper d'un local à l'autre, les élèves restent toujours dans la même salle; ce sont les enseignants qui se déplacent. Chaque groupe a un professeur titulaire, premier responsable des enfants et interlocuteur des parents. Autant de détails qui créent un sentiment d'appartenance, qui fournissent un ancrage à des élèves désemparés.

Avec l'accord du syndicat, on a laissé tomber les horaires réguliers, particulièrement épuisants pour les élèves dont la capacité de concentration est faible: on a donc six périodes de 60 minutes par jour au lieu de quatre périodes de 75 minutes, ce qui permet d'ajouter, selon les besoins, des cours complémentaires.

Les élèves sont encadrés comme dans l'ancien temps: les deux parties du secondaire sont physiquement séparées, les «grands» occupant un pavillon distinct de celui des plus jeunes. Ces derniers n'ont pas le droit de sortir le midi, de même que les élèves du 2/3 (deux années en trois ans), qui ne pourront sortir le midi qu'une fois en troisième, et encore seulement deux jours par semaine.

Cette école va à contre-courant de tous les dogmes en vigueur. Ainsi, les élèves sont séparés en fonction de leurs capacités, l'école ayant également une section «internationale» pour les «forts» et un programme régulier pour les «moyens».

La constitution de classes homogènes s'inscrit en faux contre l'idée dominante qui veut que les élèves faibles sont plus stimulés s'ils sont intégrés à des classes régulières, et qu'ils risquent d'être stigmatisés s'ils sont «étiquetés» comme faibles.

À l'école Saint-Joseph, cette mauvaise étiquette est fortement compensée par le fait que ces élèves gagnent une meilleure estime d'eux-mêmes à mesure qu'ils font des progrès. Et ils en font! Les trois quarts des élèves du 2/3 s'intègrent sans difficulté à la troisième année du programme régulier, et malgré que le tiers des élèves soient moins doués, le taux de réussite général de l'école dépasse de 14 points la moyenne provinciale!

Les ados interviewés ne cachent pas leur satisfaction. Ils osent exprimer leurs difficultés de compréhension, alors qu'auparavant, on leur laissait sentir qu'ils «retardaient» la classe. Au chaud dans ces classes-incubateurs, à l'abri du regard des «bolés», ils peuvent maintenant poser des questions au prof sans risquer de faire rire d'eux ou de déclencher un mouvement d'impatience chez l'enseignant pressé de couvrir son programme...

Serait-ce dans ces recettes de grand-mère que se trouve une partie de la solution au problème du décrochage?