À élections précipitées, pancartes improvisées... Les partis semblent avoir été vraiment pris de court, comme en témoignent les affiches qui viennent de pousser dans nos rues.

Sur la photo, Mario Dumont a le sourire un peu forcé. Il a pris un peu de poids. Et un peu de poils gris aux tempes. La politique, faut-il dire, n'est pas une sinécure... «Mario» a perdu la désinvolture juvénile qui faisait une partie de son charme. Et le fait est qu'à 38 ans, il a passé l'âge de jouer les ados rebelles.

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Ses «clips», qui naguère apportaient un petit vent de fraîcheur sur la scène politique, ne font plus recette. On voit qu'il s'agit, justement, d'une recette, et d'une recette désormais usée jusqu'à la corde. Il a de bonnes idées, ou plutôt de bons «flash», sur l'enseignement ou les services de santé par exemple, mais pas vraiment de parti pour les véhiculer ni d'études pour les étayer.

Étant retombé au plus bas dans les sondages après sa victoire-surprise de 2007, il cherche désespérément un filon qui lui permettrait de rééditer l'exploit. Un filon, n'importe lequel, à condition qu'il remue les tripes du Québec profond... Malheureusement pour lui, ses derniers essais ont tourné en queue de poisson, comme son attaque tous azimuts contre le cours d'éthique et de culture religieuse. Alors oui, sur sa pancarte, il a l'air un tantinet anxieux, au-dessus d'un slogan équivoque: «Donnez-vous le pouvoir». Changez une consonne et c'est Mario qui vous demande de lui donner le pouvoir...

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L'affiche péquiste nous emmène, elle, dans un univers bien différent - douceur, sérénité, couleurs pastel... Le slogan est insipide - «Québec gagnant» - mais la photo de Mme Marois est très jolie, quoiqu'un peu incongrue sur une affiche politique. Mme Marois a les yeux au ciel comme si elle flottait dans un monde irréel, contemplant l'avenir radieux qui nous attend sous sa houlette maternelle.

À l'instar de l'ADQ, qui nous présente «Mario» par son prénom, Mme Marois est devenue «Pauline». Stratégie transparente pour contrer l'image de bourgeoise snob qu'on lui a fabriquée, très injustement d'ailleurs. Appelez-moi Pauline, je suis une femme toute simple, votre voisine d'à côté qui vous veut du bien.

Les fameux stratèges péquistes ont visé de travers. Il aurait plutôt fallu choisir une photo de Mme Marois en femme déterminée, regardant directement l'électeur, histoire de projeter une image de leadership susceptible de contrebalancer son côté trop doux, trop convivial... trop féminin.

Mario, Pauline... Triste, quand même, que nos politiciens québécois, qui traditionnellement évitaient la familiarité déplacée, soient tombés dans le populisme qui consiste à appeler les personnalités par leur prénom.

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Changement de ton avec la pancarte libérale. Jean Charest regarde la caméra - un bon point. Mais la photo est bizarre. M. Charest a la tête rentrée dans les épaules, ce qui le grossit. Et son sourire est un peu trop épanoui pour un homme qui prétend qu'une grave crise est à nos portes.

Le slogan est bizarre lui aussi. «L'économie d'abord», c'était prévisible puisque le premier ministre a pris prétexte de la crise économique pour justifier cette élection prématurée. Mais pourquoi ajouter un «oui» en majuscules? Ce n'est pas simplement pour marquer l'emphase. Il y a une intention sous-jacente. Or, compte tenu de l'histoire récente du Québec, le «oui» utilisé comme slogan n'a qu'une signification.

M. Charest veut-il phagocyter l'idée de souveraineté? Se l'approprier pour mieux la neutraliser? L'exploiter pour renforcer sa nouvelle personnalité de nationaliste à la Bourassa? Lancer un appel du pied aux souverainistes?

Certains experts en communications ont trouvé cela astucieux - un clin d'oeil, dit l'un. Moi, je trouve la tactique mesquine et racoleuse. Pour ceux qui ont voté «oui», les référendums sur la souveraineté ont été un moment fort de leur existence: un sursaut de passion suivi d'une profonde déception. Il est pour le moins indélicat de leur rejeter ce «oui» en pleine face, comme si ce mot n'était pas chargé de symboles.