Jamais la récolte politicienne au Québec n'a-t-elle été aussi médiocre. Aucun des deux principaux partis - ceux qui avaient théoriquement la chance de former le gouvernement - n'a pu dénicher de nouveaux candidats intéressants.

L'incapacité du chef libéral Stéphane Dion à attirer du sang neuf s'explique un peu par les sondages qui donnaient son parti perdant durant les mois précédant les élections. Mais pour qui au juste M. Dion a-t-il gardé en réserve ses meilleures circonscriptions, presque jusqu'à la dernière minute? Il ne voulait pas de Marc Garneau dans Westmount, ni de Justin Trudeau dans Outremont ni de Liza Frulla dans LaSalle-Émard, l'ancienne circonscription de Paul Martin.

 

Il se méfiait de cette dernière, trop proche de Michael Ignatieff, de même que des sorties non orthodoxes de Justin Trudeau, et l'on ne sait pas très bien ce qu'il reprochait à M. Garneau. On dit que M. Dion a offert l'investiture dans Gatineau à Louise Arbour, l'ex-haut-commissaire de l'ONU pour les droits humains, mais de quelle grande vedette M. Dion espérait-il donc l'apparition à Montréal?

Finalement, M. Trudeau s'est présenté dans Papineau, qu'il a gagnée à la force du poignet. M. Garneau, après avoir menacé de quitter la politique, a facilement remporté Westmount. Et dans LaSalle-Émard, une circonscription en or pour les libéraux, l'investiture est allée à une illustre inconnue qui a peut-être ses mérites, mais n'est certainement pas une vedette.

L'incapacité des conservateurs à étoffer leur équipe québécoise est beaucoup moins excusable, car le parti était présumé gagnant dans tous les sondages précédant les élections.

Compte tenu de l'ineptie légendaire de Josée Verner et de la mise hors jeu de Maxime Bernier, un candidat de moyenne envergure pouvait être assuré d'un poste au Conseil des ministres. Mais exception faite du maire de Saint-Eustache et de l'ancien député André Bachand (tous deux défaits), le PC n'a présenté aucune nouvelle figure «ministrable» au Québec.

À quoi cela tient-il?

À l'évidence, M. Harper est terriblement mal conseillé au Québec. Il a une approche favorable à la province, mais il ne la «sent» pas, ce qui du reste est parfaitement normal. Contrairement à la longue série de premiers ministres catholiques qui se sont succédé à Ottawa, et dont tous (même John Turner, Montréalais de naissance) avaient des racines au Québec, M. Harper est un protestant, un vrai; un puritain élevé en Ontario et formé en Alberta, à mille lieues de la sensibilité québécoise.

Il n'a pas pu prévoir que ses coupes dans les arts souderaient une fois de plus l'alliance traditionnelle entre les souverainistes et les artistes. Il n'a pas non plus pressenti le tollé que causerait ici son plan sur les jeunes criminels.

Qui conseille M. Harper pour le Québec? Il semble que cette tâche ait incombé surtout à Dimitri Soudas, un sympathique jeune homme issu de l'ADQ, mais qui n'est nullement branché sur les milieux qui comptent.

Il fut une époque où M. Harper bénéficiait des précieux conseils de Brian Mulroney, mais les liens ont été rompus lorsque M. Harper a réagi à l'affaire Schreiber avec une brutalité injustifiée, en allant jusqu'à interdire aux militants et élus conservateurs tout contact avec l'ancien premier ministre.

Personne, dans l'entourage québécois de M. Harper, n'avait assez de «contacts» pour se mettre à la recherche de candidats d'envergure. Nul doute pourtant qu'il s'en trouve, dans le groupe croissant d'anciens décideurs qui sont aujourd'hui de jeunes retraités.

M. Harper aurait-il refusé, soit par timidité soit par arrogance, de «s'abaisser» à faire la cour à des candidats potentiels? C'est pourtant nécessaire lorsqu'un parti veut recruter de «gros noms». C'est le chef lui-même qui doit leur «tordre le bras», les inviter à dîner, les convaincre qu'ils sont indispensables et leur laisser entendre qu'ils auront un poste important au cabinet. Ce n'est pas le genre de tâche qu'on laisse à ses adjoints. Or, tout indique que les quelques personnalités québécoises qui auraient pu être tentées de faire le saut ont attendu en vain un appel du patron.

D'où la question: M. Harper qui, à l'évidence, est entouré de faibles, aurait-il eu peur de recruter de fortes personnalités? Un bon leader devrait pourtant être assez sûr de lui pour supporter la contradiction et la compétition.