Ce délai imposé à l'un à cause de l'incurie de l'autre était injuste pour McGill, et pénalisait toute la communauté montréalaise, car il faut savoir que près de la moitié de la clientèle du CSUM est francophone, et que nombreux sont les médecins francophones qui y occupent des postes-clés. Seuls les petits esprits englués dans les anciens ressentiments verront là une fleur faite aux «Anglais».

L'idéal aurait été que les deux hôpitaux universitaires ouvrent en même temps, mais compte tenu des circonstances, mieux vaut en avoir au moins un que de n'en avoir aucun!

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On le sait, les problèmes dans lesquels s'enfonce le CHUM découlent en grande partie de son emplacement. Il est plus difficile et plus coûteux de rénover que de construire à neuf, à plus forte raison quand on travaille sur un terrain trop exigu.

Non seulement l'augmentation des coûts force-t-elle le CHUM à réduire ses services, on ne peut même pas y aménager les parkings nécessaires! Les difficultés d'accès promettent un cauchemar urbain. Inutile de dire que ce CHUM-là, coincé dans un vieux secteur encombré du centre-ville, ne pourra jamais prendre de l'expansion - objectif primordial quand on bâtit pour les générations futures. Rien d'étonnant à ce que la campagne de financement du CHUM soit un flop total.

Tant les porte-parole des médecins que nombre de Montréalais bien au fait du dossier le disent: il n'est pas trop tard pour revenir sur la mauvaise décision prise il y a trois ans, quand l'ancien ministre Couillard a torpillé le projet piloté par l'ancien recteur Robert Lacroix, projet appuyé par la majorité des médecins spécialistes du CHUM et soutenu avec enthousiasme par les plus grands mécènes du Québec francophone.

Il n'est pas trop tard pour revenir à cette «cité du savoir et de la santé», qui aurait doté Montréal d'une institution magnifique, sur les terrains vastes, centraux et accessibles de l'ancienne gare de triage du CP.

Théoriquement, le contexte actuel est favorable à une révision. Le ministre Couillard est parti comme par hasard au moment même où il devenait évident que son projet s'en allait vers l'échec. Le premier ministre Charest est populaire, et en position de force. L'opposition péquiste est dirigée par Pauline Marois, qui était, comme du reste Bernard Landry, spontanément favorable au site Outremont.

Le président de la Fédération des médecins spécialistes, le Dr Gaétan Barrette, a relancé le débat (il s'inquiète de la réduction du nombre de médecins, un problème indirectement relié à l'exiguïté des lieux). Les médecins, qui forment l'irremplaçable cheville ouvrière du CHUM, sont en état d'alerte.

L'Université de Montréal, nous dit-on, est toujours intéressée au site Outremont, qui est encore libre. Le recteur aurait refusé d'entériner le projet actuel du CHUM, malgré l'insistance du nouveau ministre de la Santé, qui cherchait des appuis dans sa partie de bras de fer contre le Dr Barrette. Les grands donateurs, qui refusent d'engloutir des millions dans un projet inadéquat, ne prendront pas parti publiquement après avoir été échaudés comme ils l'ont été en 2005, mais il n'y a aucun doute qu'ils ouvriraient leurs goussets si le premier ministre décidait de redresser la barre.

Leurs contributions pourraient même contrebalancer les pertes qu'un changement de site occasionnerait; ces pertes seraient d'ailleurs moins élevées qu'on l'imagine: on n'a pas encore creusé, les études déjà faites sont facilement transposables sur un autre site, les terrains déjà expropriés seraient facile à revendre. Certes, il faudrait décontaminer le site Outremont. Ces délais seraient toutefois compensés par la facilité de construire à neuf sur un terrain libre de contrainte.

Mais ne risquerait-on pas de voir se répéter l'acrimonieux débat de 2004, avec les mêmes acteurs dans les mêmes positions? Non, dit catégoriquement une source bien placée, car aujourd'hui, on voit de visu le résultat du choix de 2005, on a le nez dedans, c'est devenu évident qu'il s'agissait d'une mauvaise décision.