Finalement, le Canada ne sera pas victime de la première offensive de la guerre commerciale qu'a décidé de mener le président Donald Trump contre la plupart de ses partenaires commerciaux. Nos exportations d'acier et d'aluminium seront exclues des droits de douane américains, mais cela servira manifestement de monnaie d'échange pour diluer la portée de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

Cette situation compliquée fait la manchette. En quoi cela est-il important pour nous ?

On entend beaucoup parler de libre-échange par les temps qui courent.

Pendant que la renégociation de l'ALENA est très laborieuse en raison de l'attitude hyper rigide des États-Unis, le Canada et dix autres pays de la zone pacifique ont tout de même signé hier un accord commercial qui va faciliter les échanges économiques entre les onze pays signataires en éliminant notamment quelque 18 000 droits de douanes.

En cette semaine de relâche scolaire, on m'a demandé d'écrire une chronique qui pourrait expliquer ou démystifier un enjeu économique d'actualité à vous, jeunes lecteurs de La Presse, tout en meublant un peu de votre temps de loisir, pourtant extrêmement précieux en période de congé...

Le sujet du libre-échange m'est spontanément venu à l'esprit puisque c'est à l'âge de 15 ans, durant mon cours d'histoire du Canada, que j'ai entendu parler pour la première fois de ce concept.

Remarquez qu'à l'époque de mon secondaire IV - et de la période du milieu du XIXe siècle qui était alors à l'étude -, il n'était pas question de l'Accord de libre-échange, mais plutôt du Traité de réciprocité.

Il me semble toutefois pertinent de rappeler que la croisade anti-libre-échange que mène aujourd'hui Donald Trump est pour le moins anachronique.

C'est en 1988 que le Canada et les États-Unis ont décidé de signer un accord de libre-échange pour abolir les différentes taxes que chaque pays imposait à de nombreux produits et services qui traversaient leur frontière.

Le but de cette entente commerciale était donc de permettre la libre circulation des biens et services entre les deux pays, de façon à hausser et rendre plus fluides les échanges entre deux nations commerçantes qui étaient déjà les plus importants partenaires commerciaux au monde.

C'est ainsi qu'en cherchant à mieux intégrer l'activité économique nord-américaine, on a élargi, en 1992, l'entente en y intégrant le Mexique, en vue de créer un espace économique continental.

Depuis que le Canada et les États-Unis ont signé leur premier accord de libre-échange en 1988, les échanges commerciaux entre les deux pays ont fait un bond de 800 %.

Chaque jour, les échanges de biens et de services entre le Canada et les États-Unis totalisent plus de 2,5 milliards. Le Canada est le principal client de 35 États américains et 9 millions d'emplois aux États-Unis dépendent de cet important partenariat économique.

UN MOUVEMENT DANS L'HISTOIRE

Comme je l'expliquais plus haut, la volonté de faciliter les échanges entre États ne date pas d'hier. C'est en 1854 que lord Elgin, le gouverneur général de l'Amérique du Nord britannique, et William Marcy, secrétaire d'État américain, ont signé le Traité de réciprocité entre le Canada et les États-Unis.

Ce traité, ancêtre de l'Accord de libre-échange, allait permettre aux pêcheurs des États-Unis d'avoir accès aux eaux côtières de l'Amérique du Nord britannique et, inversement, aux pêcheurs des colonies britanniques d'avoir accès aux eaux côtières américaines.

Le Traité de réciprocité, d'une durée de dix ans, allait aussi permettre la libre circulation de plusieurs produits naturels entre les deux États sans qu'ils soient soumis à des taxes à la frontière. L'entente excluait toutefois les produits transformés.

Le Traité a été abrogé en 1866 par les États-Unis dans la foulée de la guerre de Sécession, durant laquelle le Royaume-Uni avait soutenu la lutte des États du Sud contre le Nord.

En 1911, le premier ministre libéral, Sir Wilfrid Laurier, négocie avec les États-Unis un nouvel accord de réciprocité, semblable à celui de 1854, mais les Canadiens le rejettent en élisant un nouveau gouvernement conservateur à Ottawa.

UN MOUVEMENT MONDIAL

Il a fallu attendre jusqu'au milieu des années 80 avant que l'on réentende parler de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, puisqu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en 1948, les deux pays ont signé avec 21 autres États l'Accord général sur les tarifs douaniers, le GATT.

Le GATT visait à abolir les tarifs douaniers entre les États dans le but de favoriser le développement économique des pays membres. Au fil des ans, plus de 120 pays ont adhéré au GATT, qui est devenu, en 1995, l'Organisation mondiale du commerce qui regroupe aujourd'hui plus de 160 pays.

Alors que le Canada vient de signer hier un nouvel accord de libre-échange avec 10 pays de la région pacifique (Mexique, Chili, Pérou, Japon, Malaisie, Brunei, Viêtnam, Singapour, l'Australie et la Nouvelle-Zélande), Donald Trump, lui, persiste à vouloir isoler toujours davantage les États-Unis sous le prétexte qu'il veut redonner au pays sa grandeur d'antan.

L'argument ultime de Donald Trump, c'est qu'en ouvrant leurs frontières comme ils l'ont fait dans le passé, les États-Unis ont perdu des millions d'emplois dans des secteurs comme la fabrication d'automobiles, l'acier ou l'aluminium et qu'en érigeant des barrières tarifaires, son pays va être en mesure de réactiver ces secteurs d'activité.

Le président américain reste aveugle devant la plus élémentaire réalité économique. À 4,1 %, le taux de chômage américain est à un creux historique, tout comme celui du Mexique (3,4 %) ou du Canada (5,4 %).

Au lieu de miser sur la création d'emplois du futur, il braque son pays contre le reste du monde pour restaurer des jobs du passé. Un président protectionniste et pitoyable.