Si beaucoup de propriétaires de PME québécoises qui ont largement atteint l'âge de la retraite hésitent toujours à afficher leur intention de céder le contrôle de leur entreprise, ceux qui le font souhaitent évidemment en assurer la pérennité. Il est rassurant de voir que de nombreux repreneurs arrivent à donner une nouvelle impulsion à l'entreprise et l'amener plus loin encore que leur fondateur avait réussi à le faire.

On le rappelle souvent, en raison du départ prochain à la retraite de quelque 60 000 propriétaires de PME québécoises, un nombre important d'entreprises vont devoir trouver un repreneur pour poursuivre leurs opérations au cours des prochaines années.

Qu'il s'agisse de transfert familial ou de la vente à un investisseur de l'externe, tous les fondateurs espèrent que leur entreprise leur survivra et il peut être encore plus gratifiant de constater que le transfert de propriété permettra à l'entreprise de profiter d'un nouveau souffle.

C'est un de ces cas de transfert réussi que j'ai pu observer la semaine dernière en visitant l'usine de transformation de poissons Fumoir Grizzly, de Saint-Augustin-de-Desmaures.

L'entreprise fondée en 1991 par Pierre Fontaine s'est bâti une réputation et une place dans le marché en proposant aux consommateurs du saumon fumé à froid, badigeonné de sirop d'érable et sans agents de conservation.

En 2003, Pierre Fontaine a installé son fumoir à saumon et sa ligne de production informatisée dans une nouvelle usine ultramoderne du parc industriel de Saint-Augustin-de-Desmaures. En 2008, il a ajouté un entrepôt frigorifié.

« C'est à cette époque-là que Pierre a commencé à penser à la retraite. Il avait franchi la soixantaine et il s'en était confié à mon mari, Richard Guay, qui était son fiscaliste », m'explique Laura Boivin. Elle est PDG de Fumoir Grizzly depuis qu'elle et son mari ont racheté l'entreprise de transformation alimentaire, en octobre 2010.

Avocate en droit des affaires depuis une vingtaine d'années, Laura Boivin avait besoin d'un changement d'air. Inscrite à la maîtrise en droit des entreprises, elle avait bifurqué vers le MBA lorsqu'elle a vu et saisi cette occasion de vivre pleinement l'entrepreneuriat.

DES RÉSULTATS PROBANTS

En sept ans, Grizzly a doublé son chiffre d'affaires et transforme aujourd'hui 544 tonnes métriques de matière première : du saumon, bien sûr, du thon, du tilapia et de la truite.

Depuis deux ans, Grizzly ne fait pas que fumer du poisson. L'entreprise prépare et met en marché des tartares de saumon et de thon, ainsi que du poke de thon, de nouveaux produits qui représentent maintenant 15 % de son volume d'affaires.

« On a rajouté une ligne de production et on a développé de nouveaux produits. Parallèlement, on poursuit le développement de nouveaux marchés. On va être présent partout au Canada dans l'Ouest canadien et on s'attaque au marché américain », explique Laura Boivin.

Depuis qu'elle a pris la direction de Grizzly, Laura Boivin réinvestit systématiquement les bénéfices de l'entreprise dans l'expansion de ses activités.

Grizzly a notamment embauché un chef qui prépare les nouveaux produits qui seront commercialisés dans le réseau des magasins de détail, notamment toutes les grandes chaînes d'épiceries québécoises, et celui des services alimentaires, des segments qui représentent chacun 50 % de son chiffre d'affaires de 12 millions de dollars.

« On a développé pour Metro une trousse de tartare de saumon et de tartare de thon qui vient avec des sauces et des ingrédients secs. C'est un produit qui connaît un vrai succès », indique la néo-entrepreneure.

D'ici la fin de 2018, l'usine de Saint-Augustin-de-Desmaures devrait atteindre sa pleine capacité de production. 

Les plans et devis en vue d'un agrandissement sont prêts et une décision sera prise dans les prochains mois.

Parallèlement à ces développements commerciaux, Grizzly a investi depuis une dizaine d'années 300 000 $ dans la recherche pour mettre au point, de concert avec l'Université Laval, une culture bactérienne baptisée M-35 qui permet d'enrayer Listeria et les risques de contamination bactériologique.

« On a toujours eu une politique de risque zéro. Le contrôle de la contamination est systématique dans tous les secteurs de l'usine et à toutes les étapes de la production.

« On a les droits mondiaux sur la bactériocine qu'on a développée et on est présentement en négociation avec de grands acteurs mondiaux de l'industrie de la transformation alimentaire, notamment DSM Food et Cargill, en vue de sa commercialisation », souligne Laura Boivin.

La PDG le confirme, si Grizzly n'avait fait que continuer à fumer son saumon, les ventes auraient décliné au fil des ans. Il fallait développer de nouveaux marchés, de nouveaux produits, aller chercher, en fait, un second souffle.

PHOTO MATHIEU BÉLANGER, COLLABORATION SPÉCIALE

L'entreprise fondée en 1991 par Pierre Fontaine s'est bâti une réputation et une place dans le marché en proposant aux consommateurs du saumon fumé à froid, badigeonné de sirop d'érable et sans agents de conservation.

PHOTO MATHIEU BÉLANGER, COLLABORATION SPÉCIALE

Des employés de l'usine de transformation de poissons Fumoir Grizzly