C'est aujourd'hui que débute le Salon international de l'aéronautique du Bourget, en banlieue de Paris, où une délégation record de plus de 50 entreprises québécoises du secteur de l'aéronautique va exposer son savoir-faire et tenter de décrocher des contrats. Malgré une présence particulièrement discrète cette année, c'est évidemment Bombardier qui suscite toujours les plus grandes attentes de l'industrie québécoise.

Pourtant l'agenda que propose Bombardier pour ce 52e Salon international de l'aéronautique de Paris est on ne peut plus mince. Seuls deux événements de presse sont à l'horaire pour les trois prochains jours, réservés aux gens de l'industrie (le grand public est admis au Salon seulement à partir de jeudi et pour tout le week-end).

Un cocktail-briefing de Bombardier est prévu aujourd'hui en fin d'après-midi avec des représentants d'airBaltic, l'exploitant de lancement du CS300, le plus gros des appareils de la C Series, au cours duquel on va discuter de l'expérience du transporteur depuis la mise en service de ses nouveaux avions.

Une autre rencontre de presse au cours de laquelle des pilotes de Swiss et d'airBaltic vont raconter leurs expériences de vol en C Series est planifiée pour mercredi matin.

Comme on le constate, il n'y a rien ici pour écrire à sa mère.

Non seulement la présence médiatique de Bombardier s'annonce quasi anonyme, mais aussi sa présence physique, puisque seuls un appareil CS300 d'airBaltic et un turbopropulsé Q400 seront exposés sur le tarmac du Bourget, et aucun vol de démonstration ne sera réalisé.

Ce qui marque tout un contraste avec les belles années de l'avionneur montréalais - fin des années 90, début des années 2000 - lorsque Bombardier incarnait sa présence de façon marquée au Bourget en présentant et en faisant voler ses modèles de jets régionaux CRJ, ses turbopropulsés Q400 et une pléiade de ses jets d'affaires, Learjet, Global ou Challenger.

Alain Bellemare, PDG de Bombardier, sera sur place, mais il ne participera pas aux deux rencontres de presse prévues pour consacrer plutôt ses énergies à des rencontres avec des clients potentiels.

À l'époque, Bombardier recevait les journalistes de la presse spécialisée internationale la veille de l'ouverture du Salon, le dimanche soir, dans un grand restaurant parisien, question de favoriser les échanges avec des membres de sa haute direction.

Et dans la guerre incessante que l'entreprise livrait à son concurrent brésilien Embraer, il n'était pas rare que l'entreprise tienne une conférence de presse le dimanche, avant l'ouverture officielle du Salon, pour annoncer une grosse commande. Question d'ébranler psychologiquement son adversaire.

Or, rien de tout cela n'est au programme cette année. On peut espérer qu'il s'agisse d'une stratégie de diversion et que Bombardier nous surprenne en nous annonçant la signature de nouveaux contrats pour sa nouvelle famille d'avions commerciaux durant un grand événement comme l'est le Salon du Bourget. Ce qu'elle n'a pas encore réussi à faire depuis le lancement officiel de la C Series.

Contexte commercial hostile

Le déroulement du Salon du Bourget se fera cette année dans un contexte particulier alors que Bombardier fait face aux plaintes officielles qu'a déposées le géant américain Boeing au département du Commerce américain.

Boeing reproche au constructeur montréalais d'avoir vendu à fort escompte ses avions de la C Series au transporteur Delta Air Lines, grâce à l'octroi de subventions abusives des gouvernements du Québec et du Canada.

C'est sans compter l'autre plainte qui a été déposée par son éternel concurrent brésilien Embraer devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui conteste lui aussi le soutien financier de plus de 3 milliards dont a bénéficié Bombardier de la part de Québec, d'Ottawa et de la Caisse de dépôt et placement.

La ministre québécoise de l'Économie, Dominique Anglade, a confirmé hier, en conférence de presse à la Délégation officielle du Québec à Paris, que Québec avait rempli le formulaire d'informations exigé par le département du Commerce américain pour étayer sa défense selon laquelle Québec n'a pas subventionné Bombardier, mais est devenu partie prenante au capital-actions de la C Series.

Boeing, selon la ministre Anglade, a déposé très tardivement sa plainte contre le contrat avec Delta et cette démarche témoigne d'abord de sa grande inquiétude de voir Bombardier se lancer dans la construction du CS550, une version encore plus grande de la C Series qui attaquerait directement son marché.

Mais peu importe le contexte, Bombardier doit regagner le leadership qui l'animait au moment où elle dominait le marché des jets régionaux. C'est le pari que l'entreprise a pris au moment du lancement de la C Series et c'est celui qui fera gagner l'ensemble de l'industrie aéronautique québécoise si Bombardier en sort gagnante.