Les investisseurs - les gros institutionnels comme les petits particuliers - peuvent difficilement résister à la tentation d'acheter des actions d'une entreprise qui domine dans son marché de référence comme la plus importante capitalisation. Un réflexe qu'il faut absolument proscrire à la Bourse canadienne tellement il s'est avéré désastreux pour les investisseurs au cours des dernières années.

Depuis 12 ans, l'histoire démontre que tous les titres d'entreprises-vedettes qui sont arrivés à surpasser la valeur boursière totale de la Banque Royale ont été violemment sanctionnés pour retomber à une infime fraction de la valeur qu'ils affichaient à leur apothéose ou, pire encore, disparaître totalement de la circulation.

Une dépêche de La Presse Canadienne nous rappelait hier que le titre de Valeant, la société pharmaceutique dont le siège social est à Laval, réussissait il y a un an le tour de force de surpasser la Banque Royale et devenir la plus grosse capitalisation boursière canadienne.

Le titre de Valeant terminait la séance à 341 $, ce qui valorisait l'ensemble de l'entreprise à 116,4 milliards et lui permettait de ravir la première place à la Banque Royale. L'action de Valeant arrivait aussi au terme d'une poussée boursière de deux ans qui lui avait permis de plus que tripler de valeur.

Le règne de Valeant à titre de plus grande capitalisation boursière canadienne a été de courte durée. Après avoir atteint un sommet à 346 $, en août, l'action du groupe a alors amorcé un repli qui s'est transformé en violente chute qui se poursuivait encore hier puisque le titre a retranché un autre 6 % de sa valeur pour clôturer à 30,03 $.

En un an, la capitalisation boursière de Valeant a donc chuté de 116 milliards à 10 milliards. C'est ce qu'on peut appeler une sérieuse "débarque".

Valeant est la troisième entreprise canadienne à avoir réussi à supplanter la Banque Royale avant de sombrer dans les limbes boursières.

NORTEL

On se souvient tous de Nortel qui, durant les années 90 et jusqu'en 2001, avait réussi à s'imposer comme la plus puissante capitalisation boursière canadienne, devant la Royale.

La bulle technologique a poussé la valorisation de Nortel à des niveaux tout simplement surréalistes lorsque le titre a touché son sommet de 124,50 $, le 27 mars 2000, pour donner à l'entreprise une valeur de près de 400 milliards, 10 fois la valeur de la Royale à l'époque.

Après avoir subi le choc du krach des titres technologiques en avril 2000, l'action de Nortel est tombée sous la valeur de la Royale, à moins de 40 milliards, avant de lentement s'éteindre jusqu'à sa faillite au début de 2009.

RESEARCH IN MOTION

Research in Motion (RIM), le fabricant du BlackBerry, a été la deuxième entreprise canadienne après Nortel à réussir à devancer, en matière de valorisation boursière, la Royale.

C'est en mars 2008 que RIM "clanche" la banque canadienne, et son action atteint un sommet à près de 150 $ en juin. À ce moment, RIM cumule une valeur boursière de 67 milliards et arrivera à se maintenir en position de tête jusqu'en septembre, lorsque les marchés boursiers vont entreprendre leur descente aux enfers.

On connaît la suite. Incapable de faire face à l'invasion de l'iPhone, l'action de RIM ne va cesser de péricliter. L'entreprise rebaptisée BlackBerry affiche aujourd'hui une valeur boursière de 4,7 milliards alors que la Royale, qui n'a jamais freiné sa lente, mais constante progression, cumule une valeur boursière de 118,5 milliards.

Le tronc commun qui relie Nortel, RIM et Valeant est que les trois entreprises ont atteint des sommets boursiers astronomiques dans un laps de temps beaucoup trop court.

Ces fortes valorisations subites et explosives agissent comme un leurre pour les investisseurs qui ne veulent pas passer à côté du phénomène du moment. Les gros investisseurs institutionnels qui doivent tenir à l'oeil le rendement de l'indice sont obligés de prendre des positions dans ces entreprises qui dominent le marché.

En 2000, le titre de Nortel représentait à lui seul 30 % du poids du TSX. Si tu n'avais pas de Nortel, tu te privais du principal moteur de valorisation du marché canadien. Même chose avec RIM et Valeant.

Détrôner la Banque Royale comme plus grosse valeur boursière est sûrement possible, mais lorsque cet exploit se réalise en l'espace de quelques années seulement, cela devrait lever un drapeau aux yeux des investisseurs et susciter au moins un instant de réflexion.

infographie la presse

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