Tout le monde s'entend pour dire que l'histoire de l'industrie automobile au Québec n'a pas été marquée par de brillants exploits et qu'elle a été plutôt jalonnée de cuisants échecs.

Ironie de l'histoire, l'usine de Bridgestone de Joliette, construite en 1965 dans la foulée de l'implantation de l'usine GM de Sainte-Thérèse, a non seulement survécu à sa « consoeur », mais elle n'a jamais cessé d'augmenter sa productivité durant ses bientôt 50 ans de vie.

L'entreprise fortement enracinée à Joliette, avec ses 1300 employés spécialisés et bien rémunérés, a annoncé une grande nouvelle vendredi.

Bridgestone Canada va investir 312 millions au cours des sept prochaines années pour moderniser tout son parc de machines et hausser de façon importante la productivité de sa seule usine canadienne.

Le gouvernement québécois a participé à cet investissement majeur en accordant une subvention de 10 millions et un prêt de 44 millions d'Investissement Québec.

En retour de l'aide financière, Bridgestone s'engage à maintenir les 1300 emplois à son usine pour les 20 prochaines années.

Cela fait plus de deux ans que Robert Verreault, directeur général de l'usine de Joliette, travaille sur ce projet de modernisation qui devait absolument se réaliser pour assurer la survie à long terme de l'usine.

« Il fallait réaliser une modernisation complète de notre parc-machines pour qu'elle soit à jour et pour nous permettre d'entrer dans une nouvelle catégorie de production, soit les pneus pour VUS, de 19, 20 ou 22 pouces de rayon.

« On était limités à la production de pneus de 18 pouces de rayon pour petites voitures et camionnettes et plusieurs usines de Bridgestone en Amérique du Nord, notamment au Mexique, visaient notre production. Il fallait réagir »

- Robert Verreault. directeur général de l'usine de Joliette

C'est en 2011, au sortir de la crise de 2008-2009, que Robert Verreault a bien vu que les consommateurs recommençaient à acheter des VUS. La baisse des prix du pétrole a renforcé cette tendance et il fallait donc que Joliette puisse profiter de cette demande.

L'usine de Joliette produisait à ses débuts, en 1965, 3500 pneus par jour. Au cours des années, on a toujours augmenté la cadence de production et l'usine de Joliette produit aujourd'hui 17 000 pneus par jour dans ses installations de 1 million de pieds carrés.

La modernisation des équipements va s'accompagner d'un agrandissement de 20 % de la surface de l'usine. Au terme des travaux, on sera en mesure de produire à une cadence de 20 000 pneus par jour.

La productivité sera donc augmentée de près de 18 %, et 50 % de la production quotidienne sera accaparée par les pneus de plus de 18 pouces de rayon.

C'est un investissement stratégique que réalise Bridgestone, insiste Robert Verreault, qui va faire de Joliette l'une des usines de pneus les plus modernes du monde. Bridgestone est une entreprise japonaise qui exploite 48 usines dans le monde, dont 15 en Amérique.

LE RÊVE AUTOMOBILE

L'usine de pneus Bridgestone Canada de Joliette a commencé sa production en 1966, un an après l'ouverture de l'usine GM de Sainte-Thérèse.

Après des années de tractations, le Québec réussissait enfin à orchestrer sur son territoire un début d'activités industrielles liées au secteur de la fabrication automobile.

Il faut dire que différents gouvernements avaient fait des pieds et des mains pour tenter de rapatrier une fraction seulement de la construction automobile canadienne qui était outrageusement concentrée en Ontario.

En 1966, en l'espace de quelques mois, le Québec a donc vu apparaître deux usines sur son territoire. Sainte-Thérèse et Joliette étaient subitement les nouveaux Windsor et Oshawa québécois, d'autres constructeurs allaient sûrement venir les rejoindre.

On connaît la suite. L'usine GM de Sainte-Thérèse a cessé sa production et a fermé ses portes en 2002. L'usine a été rasée en 2005 pour faire place à un centre commercial. Mis à part la brève tentative du constructeur Hyundai de construire des voitures dans son usine de Bromont, la construction automobile au Québec est redevenue un enjeu du domaine du rêve.

On est loin de l'Ontario et du corridor automobile qui fait 400 kilomètres de long et où sont implantés cinq constructeurs qui exploitent 12 usines, 700 fabricants de pièces automobiles, 500 fabricants de matrices, d'outils et de moules.