Voilà, c'est fait. Le dollar canadien est passé hier pour la première fois depuis avril 2003 sous la barre des 70 cents américains, un nouveau jalon peu reluisant, mais qui était prévu et inscrit dans la foulée de la chute des cours du pétrole. Il a touché un creux de 69,90 cents US en après-midi, avant de remonter à la clôture à 70,14 cents US, en baisse de 17 centièmes pour la journée.

Ce qui surprend toutefois, c'est l'accélération avec laquelle se matérialise depuis le début de l'année le mouvement combiné de chute des prix du pétrole et du dollar canadien.

En juillet dernier, le baril de pétrole s'échangeait encore au-dessus des 50 $US lorsque le dollar canadien a touché un creux des 10 dernières années à 76,74 cents US.

Depuis l'atteinte de ce plancher de 10 ans, les cours du pétrole n'ont fait que poursuivre leur chute, et le West Texas Intermediate est passé hier pour la première fois en 12 ans sous la barre des 30 $US.

C'est l'atteinte de ce nouveau prix plancher du pétrole qui a contribué à faire chuter le dollar canadien sous le seuil psychologique des 70 cents US. Maintenant que ce palier a été testé, on peut juste se demander jusqu'à quelle profondeur le huard canadien est prêt à plonger.

De nombreux économistes qui avaient prédit l'été dernier que le dollar canadien allait s'échanger de façon quasi assurée autour des 70 cents US d'ici le début de 2016 prévoient maintenant que notre devise arrivera à un niveau d'équilibre lorsqu'elle atteindra la marque des 67 cents US.

Ce qui est fort probable et souhaitable, sinon il faut rappeler que notre dollar a touché un creux historique à 61,79 cents US le 21 janvier 2002, au moment même où le pétrole brut s'échangeait à 24 $US le baril.

C'était l'époque où l'exploitation des sables bitumineux canadiens n'était pas encore une opération rentable puisqu'il en coûtait plus de 25 $US pour extraire un seul baril de ce pétrole.

C'est à ce moment aussi, à partir de 2002-2003, que le cours des prix du pétrole s'est mis à décoller en raison notamment de la forte pression que la Chine exerçait sur la demande mondiale. Il fallait satisfaire la folle activité manufacturière chinoise et l'accélération de la mise en place de ses infrastructures industrielles et nationales.

On connaît la suite. De 2003 à 2008, l'économie et le dollar canadien ont abondamment profité de la demande mondiale de matières premières, ce qui a propulsé les prix du pétrole et la valeur de notre devise, qui a même supplanté de 10 % celle du dollar américain.

DES INCIDENCES MULTIPLES

Autre temps, autre contexte. Là, on le sait, du pétrole, il y en a en abondance et il y en aura d'autre - notamment celui de l'Iran - qui viendra sous peu s'ajouter à l'offre mondiale déjà excédentaire.

Et, comble de malheur, les gros consommateurs d'hier - les pays émergents et la Chine en tête - ont des ambitions de croissance limitées et une soif de pétrole nettement moindre.

Sauf que la dévaluation forte et accélérée du dollar canadien qu'entraîne la chute des prix du pétrole commence à avoir plus d'incidences négatives que les seuls avantages qu'en retirent les entreprises exportatrices.

C'est le temps de l'année où une bonne partie des 500 000 snowbirds canadiens qui passent l'hiver en Floride retournent à leur retraite ensoleillée après un bref séjour au pays où ils sont venus célébrer le temps des Fêtes. Un retour des Fêtes qui va leur coûter beaucoup plus cher que prévu.

Aussi, des projets tels que la venue d'une équipe de hockey de la Ligue nationale à Québec deviennent tout simplement irréalisables. À midi, hier, les 500 millions US que Québec devrait payer à la LNH pour obtenir une nouvelle concession se traduisaient par une facture de 715  millions de dollars canadiens.

À titre de comparaison, les Jets de Winnipeg ont payé, en mai 2011, 170 millions US pour acquérir les Thrashers d'Atlanta alors que le dollar canadien s'échangeait à 1,03 $US. Autre temps, autre contexte. Une autre game, comme dirait l'autre.