Les dernières révélations concernant les discussions qu'ont eues Bombardier et Airbus au sujet d'une possible participation majoritaire du géant européen dans le programme de la C Series sont venues confirmer que la situation financière difficile de Bombardier Aéronautique est encore bien loin de se résorber, et que la multinationale montréalaise est prête à tout pour se sortir du pétrin.

Je dois vous avouer que je ne l'avais pas vue venir, celle-là. Lorsque j'ai pris connaissance, mardi, de la dépêche de l'agence Reuters qui faisait état des démarches entreprises par Bombardier auprès de son concurrent Airbus, j'étais sceptique.

Ce n'était pas la première rumeur que lançait Reuters au sujet de l'avenir de Bombardier, et les dernières supputations de l'agence financière - notamment la vente imminente de Bombardier Transport à un conglomérat chinois - n'avaient pas été particulièrement brillantes.

Tout est devenu nettement plus sérieux lorsque Bombardier a confirmé mardi soir qu'elle avait effectivement engagé des pourparlers avec Airbus, mais que les discussions avaient pris fin sans qu'une entente de partenariat se soit matérialisée.

Au-delà de la surprise d'apprendre que Bombardier avait eu la volonté de sceller cette improbable alliance et surtout de constater qu'elle était prête à céder une participation majoritaire dans le projet où elle a tout investi son avenir, ma première réaction a été de me dire: ben voyons, ça va donc aussi mal que ça!

Comme de nombreux analystes qui commentaient hier ce récent chapitre de la descente aux enfers de Bombardier (son titre a perdu près de 60% depuis le début de l'année), on se demande bien aussi pourquoi l'entreprise était prête à céder le contrôle à un partenaire alors qu'elle arrive à la toute fin du long et laborieux programme de développement de la C Series, dans lequel elle aura englouti 6 milliards.

Il aurait été beaucoup plus logique et productif d'avoir recouru en amont, dès le lancement du programme, à un partenaire stratégique de la stature d'Airbus.

Un partenariat plausible?

Par ailleurs, lorsqu'on y réfléchit bien, cette tentative de partenariat avortée avec Airbus aurait été bénéfique pour Bombardier Aéronautique parce que l'entreprise montréalaise aurait profité d'une force de vente aguerrie, fortement branchée auprès des hautes directions de tous les grands transporteurs aériens nationaux.

Parce qu'en fin de compte, ce qui fait cruellement défaut à Bombardier et qui est à la base de ses déboires financiers, c'est sa capacité à générer des ventes suffisantes pour sécuriser la vie de son nouveau programme d'avions commerciaux.

Cela fait plus d'un an que Bombardier n'a pas enregistré une seule nouvelle commande pour ses avions de la C Series. L'avion devrait être certifié dans un mois et les livraisons doivent débuter au cours des six premiers mois de l'an prochain, mais, depuis un an, le nombre de commandes fermes reste bloqué à 243.

Ce qui est fort inquiétant, d'autant que la présence d'appareils de démonstration de la C Series durant le salon de l'aéronautique du Bourget, en juin dernier, devait relancer l'intérêt auprès des opérateurs de flottes. Ce qui n'a pas été le cas.

Le nombre anémique de commandes d'avions de la C Series est encore plus incompréhensible lorsqu'on le compare aux prévisions de marché que met à jour et publie chaque année Bombardier.

Ainsi, dans sa dernière fournée de statistiques, Bombardier estimait que pour les 20 prochaines années, le nombre de livraisons d'avions dans le segment des appareils de 60 à 150 passagers devrait atteindre les 12 700 appareils, ce qui représente un marché de 650 milliards.

Avec 243 commandes, la C Series accapare donc à ce jour seulement 0,02% du formidable marché potentiel identifié par l'entreprise. Soit que le marché est mal évalué, soit que la C Series n'arrive pas à le percer.

On ignore les raisons qui ont mis fin aux discussions entre Bombardier et Airbus, mais de toute évidence, ce mariage aurait été difficile à célébrer compte tenu, notamment, de tous les engagements financiers qu'ont pris les différents gouvernements dans le financement de la C Series, que ce soit ici ou à l'étranger.

Manifestement, le gouvernement québécois était au fait de ces discussions entre Bombardier et Airbus, et probablement de leur interruption.

Ce n'est pas pour rien que le premier ministre Philippe Couillard a déclaré la semaine dernière à New York que son gouvernement serait toujours là pour répondre aux besoins financiers de Bombardier, si besoins il y a. On peut présumer que les besoins viendront bien vite.