Dans la foulée de la vingtaine d'ententes de toute sorte qui ont été dévoilées hier par le premier ministre Philippe Couillard dans le cadre de la mission économique qu'il dirige en Chine, il y en a une qui illustre à elle seule combien la taille du marché chinois peut donner le vertige à une entreprise qui est capable de s'y mesurer.

La société montréalaise Enerkem a annoncé qu'elle avait signé des ententes en vue de l'implantation de deux usines de transformation de matières résiduelles non recyclables en éthanol et méthanol avec les groupes chinois Shanghai Environment et Shanghai Marine Diesel Engine Research Institute.

Il faut d'abord rappeler qu'Enerkem a développé patiemment et mis au point - après des investissements de plus de 250 millions - un procédé unique pour transformer les déchets en biocarburants à partir d'une usine-pilote au Québec.

Depuis juin, l'entreprise montréalaise a entrepris l'exploitation de sa première usine commerciale à Edmonton, Enerkem Alberta Biofuels, qui a la capacité de récupérer 100 000 tonnes de déchets résiduels non recyclables par année pour les transformer en 10 millions de gallons d'éthanol. Pour le moment, l'usine ne fabrique pas d'éthanol, mais du méthanol, un sous-produit utilisé par l'industrie pétrolière. La production d'éthanol a été remise à 2015.

C'est exactement le même type de bioraffineries que la société implantera en Chine puisque Enerkem fabrique des usines clé en main, dont l'essentiel des composantes est fabriqué au Québec.

Si le projet d'Edmonton s'est réalisé en collaboration avec les entreprises locales de collecte d'ordures, le partenaire chinois d'Enerkem, Shanghai Environment, est responsable de la gestion de 70% des matières résiduelles non recyclable pour toute la ville de Shanghaï et de ses environs.

C'est une région qui compte 30 millions d'habitants et qui produit 250 millions de tonnes de déchets par année, l'équivalent du tonnage de déchets que produit le Canada annuellement.

Au cours des 30 dernières années, la ville de Shanghaï a connu une croissance accélérée, ce qui a forcé la société Shanghai Environment à construire des dizaines d'incinérateurs pour disposer d'ordures toujours volumineuses.

«Il n'y a plus de place aujourd'hui à Shanghaï et plus assez d'air pour en construire de nouveaux. Vous avez pu constater le taux de pollution de la ville et les sites d'enfouissement vont arriver un jour à un niveau de saturation», m'expose Vincent Chornet, le PDG et fondateur d'Enerkem.

Le partenariat Enerkem et Shanghai Environment débute donc par la construction d'une usine, mais d'autres implantations de sites de biorecyclage devraient nécessairement suivre parce que la région - et la Chine en général - a un problème de gestion de ses matières résiduelles et qu'elle a des besoins en carburants qui ne vont aller qu'en augmentant.

Enerkem annoncera aujourd'hui une troisième entente en vue de la construction d'une autre usine pour desservir les besoins de la ville de Tsingtao, une bourgade célèbre dans le monde pour la bière qu'on y produit.

«Ces trois projets représentent des investissements de 500 millions qui pourront créer une centaine d'emplois chez nos 140 fournisseurs québécois», précise le PDG de l'entreprise montréalaise qui bénéficie aujourd'hui d'une représentation permanente en Chine.

Outre ces développements qui pourraient faire boule de neige en Chine, Enerkem prévoit mettre en opération sa première bioraffinerie québécoise à Varennes l'an prochain, tout en poursuivant des projets d'implantation de ses usines aux États-Unis, dans le Mississippi notamment.

Des partenaires de choix

D'autres entreprises qui participent à la mission commerciale québécoise en Chine pourraient connaître un destin semblable à celui d'Enerkem, en raison de la conjonction heureuse de la nature de leurs produits par rapport aux besoins actuels du marché.

C'est le cas de Panexpert, une entreprise de Saint-Isidore-de-La Prairie, qui construit en usine des maisons qui se distinguent par la simplicité de leur montage.

Panexpert, qui dirige trois usines dans la région de Montréal, a déjà vendu de ses maisons usinées en Chine et elle en vend aux États-Unis, en France, en Espagne et en Suisse.

Le groupe a obtenu le contrat de fabrication d'une centaine de maisons dans la province du Shandong en partenariat avec une entreprise chinoise qui veut développer un important ressort, de type Mont-Tremblant. Cette première commande pourrait être suivie de plusieurs centaines d'autres.

Panexpert doit également dévoiler sa contribution à un autre projet immobilier à Pékin.

La délégation québécoise compte aussi une douzaine sociétés du secteur des technologies vertes. Et on sait combien la pollution ronge comme un cancer la ville de Pékin, qui enregistre régulièrement des pics de pollution en raison de la présence massive de particules dans l'air.

On dit que pour avoir du succès en affaires, il faut savoir être opportuniste. Les entreprises du Québec tentent de démontrer qu'elles peuvent être des partenaires de choix pour les entreprises chinoises.

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UNE LIAISON DIRECTE AVEC PÉKIN?

Après plusieurs années d'attente, Montréal devrait finalement obtenir sa liaison aérienne directe avec Pékin. Le premier ministre Philippe Couillard reste d'un optimisme prudent, mais estime que le projet tant attendu par la communauté d'affaires pourrait se faire dans la prochaine année. Dans son dernier point de presse à Shanghaï avant de s'envoler vers Jinan, hier, M. Couillard a soutenu que le projet avançait. Une rencontre doit d'ailleurs avoir lieu à Pékin demain entre le grand patron d'Aéroports de Montréal (ADM), James Cherry, des dirigeants d'Air Canada et les autorités chinoises de l'aviation civile. La ligne serait exploitée par Air China, partenaire d'Air Canada, a précisé M. Cherry. - La Presse Canadienne

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18 ENTENTES ET PROTOCOLES SIGNÉS

Au total, 18 ententes et protocoles ont été signés hier entre des partenaires québécois et chinois, dans plusieurs domaines, notamment la santé, l'énergie, les technologies vertes, le bâtiment, l'éducation, la recherche et l'innovation. Le premier ministre Philippe Couillard s'est toutefois refusé à chiffrer précisément la valeur de ces divers protocoles, ententes et lettres d'intention pour le Québec. «C'est toujours embêtant d'avoir des évaluations très précises», a-t-il argué.

> Omnia Technologies, a signé une lettre d'entente concernant la construction de la première phase d'un complexe touristique qui est estimé à un milliard de dollars.

> HydroNov a de son côté signé un contrat de supervision de 11,5 millions pour un projet d'unité aquaponique pour la production de poissons et de légumes.

> Un centre d'excellence sera mis sur pied à Montréal et Shanghai sur la certification de vol en conditions de givre pour les avions.

> Une entreprise crie, Cree United Power, a signé un accord avec deux entreprises chinoises pour la construction et l'exploitation d'une centrale électrique hybride, éolienne et biomasse, dans la communauté crie de Whapmagagoostui, d'une valeur de 600 000$.

> Plusieurs institutions d'enseignement, dont McGill, l'UQAC, l'Université de Montréal, l'Institut national d'optique et la commission scolaire Eastern Townships, ont signé des accords et des protocoles d'entente avec des organisations chinoise. - La Presse Canadienne