On dit souvent qu'il ne faut pas être nécessairement un Prix Nobel pour comprendre une situation d'une complexité relative. Ça prenait toutefois un lauréat du prix Nobel d'économie, comme l'est le professeur Robert Shiller, pour être en mesure de livrer une conférence sur les affaires et l'économie sans qu'aucun chiffre ou aucune statistique ne soient prononcés ni n'apparaissent dans sa présentation PowerPoint.

Le professeur Shiller était le conférencier d'ouverture du Sommet international des coopératives qui a débuté hier à Québec, et son intervention s'intitulait «Orienter les affaires et la finance vers la création d'une bonne société».

Robert Schiller, professeur émérite d'économie à l'Université Yale, est colauréat du prix Nobel d'économie 2013, une distinction qu'il a partagée avec deux de ses collègues pour leurs travaux sur les marchés financiers.

L'économiste a écrit une dizaine d'ouvrages spécialisés, dont le plus célèbre, Irrational Exuberance, publié en 2000 et réédité en 2005, a fait sensation lors de sa deuxième parution puisque l'auteur y annonçait dans le détail l'effondrement à venir du marché immobilier américain et la crise financière qui allait suivre.

On lui doit aussi la création de l'indice Case-Shiller que publie chaque mois la firme Standard&Poor's et qui mesure la valeur nominale du marché immobilier résidentiel aux États-Unis. Il est devenu l'indicateur de référence du marché.

Tout au long de son exposé d'hier, le réputé économiste n'a jamais cité de chiffres ni de statistiques, il a plutôt fait l'étymologie des mots «empathie» et «finance» pour expliquer comment il serait souhaitable que ces deux termes arrivent un jour à cohabiter dans la même phrase.

À cet égard, Robert Shiller était le conférencier tout désigné pour s'adresser à cet auditoire composé de 3000 coopérants qui travaillent quotidiennement dans des organisations dont l'action n'est pas exclusivement orientée vers le seul enrichissement de leurs actionnaires.

Il a d'ailleurs beaucoup cité en exemple le travail des coopératives qui, bien qu'elles ne soient pas des oeuvres de charité, ont appris à composer avec des attentes de rentabilité beaucoup mieux ancrées dans la réalité de l'activité économique.

Robert Shiller est un spécialiste de l'économie comportementale. Sa femme, qui détient un doctorat en psychologie, l'a converti au béhaviorisme, et c'est pourquoi il tient compte de l'influence de la psychologie humaine et de la sociologie pour comprendre et prévoir le comportement des marchés financiers.

Il a été chaudement applaudi par les participants au Sommet lorsqu'il a plaidé en faveur de l'imposition urgente et conséquente des gens les plus fortunés, qui doivent ainsi contribuer à la réduction du fossé abyssal d'inégalités qui est en train de se creuser.

Des coops occupées

L'organisation internationale des coopératives dans l'industrie et les services a profité du Sommet des coopératives de Québec pour dévoiler les résultats d'une vaste étude sur l'emploi coopératif dans le monde.

On apprend que les coopératives font travailler plus de 250 millions de personnes sur l'ensemble de la planète.

Ainsi, plus 26 millions de personnes travaillent dans les coopératives comme employés (15 millions) ou travailleurs membres (11 millions), alors que près de 224 millions de producteurs organisent leur production dans le cadre d'une coopérative - c'est évidemment le secteur agricole qui est le plus fortement représenté dans cette dernière catégorie.

Autre statistique surprenante, la grande majorité de l'emploi coopératif se trouve au sein des pays du G20, où il représente près de 12% de l'ensemble de la population active occupée.

Cette dernière statistique est importante quand on sait que l'Organisation internationale du travail déplore un taux de chômage sans précédent de 200 millions de personnes, une réalité qui atteint une proportion dramatique chez les jeunes.

Le G20 représente à lui seul 85% du produit intérieur brut mondial et il regroupe 64% de la population mondiale.

C'est en Chine que l'emploi coopératif atteint le plus haut niveau, avec un taux de 21,2%, alors qu'il est de 11,1% en Corée du Sud et de 10,9% en Italie.

Au Canada, le travail coopératif occupe seulement 3,89% du total de la population active et occupée, contre 0,7% aux États-Unis et un minuscule 0,08% au Mexique.