Les investisseurs activistes, ceux qui cherchent par tous les moyens à valoriser leurs investissements dans certaines entreprises, n'ont pas fini de déplacer de l'air. Ils font partie de la réalité corporative d'aujourd'hui comme les «raiders» ont fait la pluie et le beau temps durant les années 80. Leur action n'est cependant pas toujours la plus avisée qui soit.

Pour bien des petits actionnaires, les investisseurs activistes sont bien plus qu'un mal nécessaire. Ils sont une nécessité absolue puisqu'ils représentent et canalisent la voix que ces petits actionnaires n'ont jamais pu faire entendre aux grands conseils d'administration.

Les investisseurs activistes sont bien conscients du pouvoir de persuasion qu'ils peuvent exercer sur le conseil et la direction d'une entreprise qui fait moins bien que ses pairs d'un même secteur d'activité.

Et ils utilisent abondamment l'effet de levier que leur procure sur un plateau d'argent le mécontentement généralisé, mais trop souvent diffus des petits actionnaires aux voix fragmentées.

Le coup d'éclat le plus récent et aussi le plus spectaculaire à survenir dans le monde corporatif canadien a été réalisé par l'activiste professionnel américain William Ackman, PDG de Pershing Square Capital Management.

Ackman, qui contrôlait 14% des actions du CP via le fonds Pershing Square, a entrepris une guerre de sollicitations pour obtenir la révocation de la moitié du conseil du Canadien Pacifique et de son PDG, Fred Green.

L'argument de base de l'activiste pour réaliser pareille révolution était simple. Le CP était un modèle de sous-performance parmi toutes les entreprises ferroviaires d'Amérique du Nord, cumulant un rendement de -20% au cours des 6 dernières années contre des rendements variant de 23 à 93% pour ses concurrents.

Ackman voulait aussi et surtout remplacer le PDG du CP, Fred Green, par l'ex-PDG du Canadien National, le vétéran Hunter Harrison, pour réaliser la transformation qu'il souhaitait.

La bataille a été amorcée en septembre 2011 et a pris fin en juin 2012 lorsque Hunter Harrison a effectivement pris les rênes du CP remanié. Entre septembre 2011 et aujourd'hui, le titre du CP s'est apprécié de 160%. Depuis l'entrée en fonction de Harrison, le titre a progressé de 70%.

Ackman a donc gagné son pari et il en fait pleinement profiter tous les actionnaires du CP. L'avenir nous dira maintenant si sa stratégie va se traduire par des résultats durables pour le transporteur ferroviaire.

Des batailles inutiles

Le combat des investisseurs activistes ne se traduit cependant pas toujours par des victoires aussi étincelantes que celle de William Ackman.

La tentative récente du groupe Invesco Trimark de lancer une guerre de circulaires pour obtenir des changements à la tête de Rona et à son conseil d'administration n'a eu aucun effet tonifiant sur le cours de l'action. Malgré le départ du PDG, Robert Dutton, et la réorganisation du conseil d'administration, la valeur de l'action continue de vivoter au-dessus de la barre des 10$.

Un autre bel exemple de ce qui m'apparaît une guerre d'activiste inutile est en train de se déployer autour de la petite société des sciences de la vie Diagnocure.

L'entreprise de Québec développe et met en marché des tests diagnostiques pour dépister différents types de cancer. Elle a mis au point un test de dépistage du cancer du côlon dont elle a vendu les droits 6 millions en 2011.

La firme a surtout développé un produit-vedette, le PCA3, un test de dépistage avancé du cancer de la prostate qui a été commercialisé en Europe à compter de 2006 et qui a obtenu son homologation américaine en 2012.

Diagnocure était associée depuis 2003 à la firme américaine Gen-Probe qui assurait le développement et la commercialisation de ses tests diagnostiques. Cette dernière devait orchestrer la commercialisation du PCA3 aux États-Unis, mais elle a fait l'objet l'an dernier d'une OPA du groupe Hologic qui est plutôt spécialisé dans les traitements et les équipements de dépistage du cancer du sein.

Le développement du PCA3 n'est pas une priorité pour Hologic, et Diagnocure tente de relancer les négociations en vue de la commercialisation de son produit-vedette. En cas d'échec, on va essayer de rapatrier la licence du produit.

Les déboires de Diagnocure ne sont pas que commerciaux. La valeur du titre de la biotech s'est grandement érodée au fil des ans, passant de 6$ en 2004 à 3$ en 2008 pour ne valoir aujourd'hui que 26 cents.

Cette forte dévalorisation boursière a réveillé les instincts d'investisseur activiste d'un actionnaire important de l'entreprise, l'Américain Todd Axelrod qui détient, de concert avec certains partenaires, 15% des actions de Diagnocure.

Axelrod a décidé à la toute dernière minute d'obtenir, à l'assemblée annuelle de lundi prochain, trois des cinq sièges du conseil d'administration pour y installer ses candidats qui auront le mandat très clair de valoriser au maximum les avoirs de tous les actionnaires.

Le courtier américain estime que le conseil actuel compte trop de scientifiques et pas assez de gens d'affaires capables de redresser, selon lui, le cours de l'action de la biotech.

Si on peut comprendre l'aigreur de l'investisseur activiste, on peut douter de la pertinence de vouloir réaliser la révolution de palais qu'il propose. Les problèmes de Diagnocure sont essentiellement tributaires du changement de propriété de son ancien fabricant et distributeur.

Dès que Hologic décidera d'aller de l'avant ou de céder sa licence, Diagnocure pourra recommencer à toucher des redevances pour ses tests diagnostiques. Ce n'est qu'une question de temps. L'investisseur activiste répliquera que le temps, c'est de l'argent. Mais parfois, il faut savoir être patient.