Le ministre Flaherty nous a annoncé hier que le déficit fédéral serait cette année de 7 milliards de dollars supérieur à ce qui avait été budgété en mars et il a repoussé d'une autre année l'atteinte de l'équilibre budgétaire. À Québec, le ministre Marceau dépose un premier budget précipité la semaine prochaine en raison de la découverte d'un trou de 1,6 milliard dans les finances publiques québécoises. Pas facile de planifier par les temps qui courent.

Manifestement, la rondelle ne roule plus pour nos élus. Que ce soit à Ottawa, Québec ou même Montréal - où on attend toujours le dépôt d'un nouveau budget -, la planification budgétaire semble être devenue un simple exercice de forme incapable de franchir le test de la réalité économique.

Les conservateurs à Ottawa, qui jouent pourtant sans cesse la carte de l'efficacité financière et du pragmatisme économique, se sont transformés en véritables champions de la planification budgétaire aléatoire.

Au cours des dernières élections fédérales, les conservateurs avaient promis que le retour à l'équilibre budgétaire serait devenu réalité en 2014-2015. Lorsqu'il a déposé son budget en mars dernier, le ministre des Finances, Jim Flaherty, a repoussé d'un an cet échéancier.

Hier, dans le cadre de la mise à jour de ses prévisions, le ministre Flaherty a finalement concédé que ce n'est pas avant l'exercice 2016-2017 que l'objectif serait atteint.

La raison de ce nouveau report est bien simple. Loin de s'améliorer, la situation économique canadienne se détériore au point où le déficit fédéral atteindra à la fin du présent exercice 25 milliards plutôt que les 18 milliards prévus dans le dernier budget.

Même si le Canada s'est beaucoup mieux tiré de la récession de 2008-2009 que les autres pays industrialisés et que son économie progresse mieux depuis les trois dernières années que ne le font celles des États-Unis et de l'ensemble des pays européens, le Canada n'est pas imperméabilisé contre tous les aléas de la conjoncture économique mondiale.

Comme le ministre Flaherty l'a indiqué hier, la chute des prix des matières premières va retrancher à elle seule 25 milliards de retombées économiques annuelles au cours des cinq prochaines années. Les prévisions de croissance de 2,4% du dernier budget fédéral ont été ramenées hier à 2% pour 2013.

Plutôt que de devoir résorber un déficit de 29 milliards au cours des quatre prochaines années, le gouvernement fédéral devra absorber 52,9 milliards de dettes additionnelles.

Une pareille détérioration des finances publiques fédérales laissera beaucoup moins de marge de manoeuvre au gouvernement Harper pour entreprendre de nouvelles initiatives de stimulation économique, si le besoin s'en faisait sentir.

Et c'est sans compter le risque que les États-Unis basculent dans le précipice fiscal et entraîne automatiquement le Canada en récession.

À Québec, la situation n'est pas plus rose. Là aussi, ça craque de partout. Et le message de conditionnement au prochain budget que colportent les élus péquistes laisse clairement entendre que Québec va s'engager lui aussi dans un sérieux programme de réduction de dépenses.

Il faudra d'abord résorber le trou de 1,6 milliard, découvert au lendemain de l'élection. Un trou qui est composé de dépenses non prévues de 1,1 milliard et d'un manque à gagner de 500 millions en raison du ralentissement économique.

La Presse a révélé hier que le Programme québécois des infrastructures allait être considérablement freiné pour la simple et bonne raison qu'il faut réévaluer les projets dont les coûts de réalisation ont tout simplement explosé.

Une décision sage quand on sait que Québec a déjà dépensé, de 2007 à 2012, 37 milliards dans une multitude de projets dont on présume que la facture a été généreusement gonflée d'au moins 30%, résultat de notre attitude débonnaire à l'endroit de tous ceux qui cherchent à se graisser la patte.

Il n'en reste pas moins que cette réduction de dépenses en période de ralentissement économique ne contribuera pas à cimenter toutes ces craques que l'on voit apparaître dans le décor économique.