Pourquoi vouloir arranger une patente qui marche? Voilà la première réaction que j'ai eue hier en apprenant que le ministre fédéral des Finances Jim Flaherty songeait à privatiser la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), d'ici 5 à 10 ans, parce qu'elle n'a plus sa raison d'être, selon lui.

La SCHL, rappelons-le, est une société de la Couronne qui assure auprès des grandes institutions financières les prêts hypothécaires des acheteurs de maison dont la mise de fonds est insuffisante, lorsqu'elle est inférieure à 20% de la valeur totale du prix d'achat d'une propriété.

Cet endossement permet - la plupart du temps - aux premiers acheteurs de maison de contracter un emprunt hypothécaire. Sans cette garantie de la SCHL, pour laquelle ils doivent payer une prime annuelle, ces acheteurs ne pourraient contracter d'emprunt, ni donc accéder à la propriété.

Le ministre Flaherty, qui était fort inquiet du lourd endettement des ménages canadiens et des risques que ce surendettement se transforme en crise immobilière, comme celle qui s'est produite aux États-Unis, a justement beaucoup réduit ce niveau de risque depuis quelques années.

En ramenant de 40 à 35 ans la durée d'amortissement d'un prêt hypothécaire en 2008, puis de 35 à 30 ans en 2011 et, enfin, de 30 à 25 ans en juillet dernier, le ministre a considérablement réduit le niveau d'emballement du marché immobilier.

Depuis le dernier budget fédéral, la SCHL est aussi maintenant assujettie au Bureau du surintendant des institutions financières et doit faire l'objet d'examens au stress financier comme les banques et les autres institutions prêteuses.

Le ministre estime toutefois que les contribuables canadiens n'ont pas à supporter la forte exposition de plus de 570 milliards de dollars des garanties de prêts que la SCHL a contractées auprès des institutions financières. C'est aux banques à faire ce travail, avance-t-il.

Le ministre a en partie raison, mais la dernière crise des hypothèques à risque aux États-Unis a démontré que les banques, pas plus que les agences américaines semblables à la SCHL - les Fanny Mae et Freddy Mac -, n'ont été capables de gérer la crise causée par le manque de liquidités dans le marché.

Dans tous les cas, c'est le gouvernement américain qui a dû procéder à des rachats massifs de créances hypothécaires.

La réflexion à voix haute de M. Flaherty ne commande donc pas d'actions urgentes, d'autant plus que le système financier canadien est cité partout dans le monde comme un modèle à suivre. Le ministre des Finances n'a fait que verbaliser le credo économique libéral classique des conservateurs.

Ce qui n'est pas le cas de son collègue, le ministre de l'Industrie Christian Paradis, qui a décrété à minuit vendredi soir que la proposition d'achat de la société canadienne Progress Energy Ressources par la société malaisienne Petronas ne pouvait aller de l'avant parce que le Canada n'en retirerait pas assez de bénéfices.

Rappelons que Petronas s'était entendue avec le producteur de gaz naturel Progress Energy pour acquérir ses activités en Alberta et en Colombie-Britannique dans le cadre d'une OPA amicale de 6 milliards.

Après examen de la transaction, le bureau du ministre de l'Industrie n'a pas trouvé un avantage net pour le Canada. Les deux parties ont 30 jours pour en appeler de la décision du ministre.

Les conservateurs, qui devraient être les premiers à défendre jusqu'à la mort le droit suprême du marché de décider ce qu'il y a de mieux pour lui, viennent de dire non à une transaction négociée librement et de bonne foi entre deux parties consentantes.

C'est un bien mauvais message que le ministre Paradis envoie aux investisseurs étrangers, d'autant plus que le même ministre vient tout juste de prolonger d'une autre période de 30 jours l'examen de l'acquisition au prix de 15,1 milliards de la société Nexen par la société d'État chinoise CNOOC.

Pas facile de suivre la pensée néolibérale des conservateurs dans l'action. Le ministre Flaherty s'y accroche quand ce n'est pas nécessaire et le ministre Paradis fait tout à fait le contraire en s'enfermant dans un protectionnisme excessif.