Nicolas Marceau sait très bien où trouver les milliards dont il a cruellement besoin, mais il n'a pas encore trouvé le moyen pour les récupérer. Et c'est la commission Charbonneau qui pourrait lui donner les clés de ce coffre aux trésors inépuisable. En s'attaquant de façon systématique à la collusion, la corruption et l'évasion fiscale, Québec pourrait restaurer une fois pour toutes la confiance écorchée des contribuables.

Conscient de marcher sur des oeufs, d'avoir semé la controverse et de devoir restaurer un minimum de crédibilité fiscale, le nouveau ministre des Finances Nicolas Marceau a fait le point vendredi sur la situation budgétaire pire que prévu dont a hérité le nouveau gouvernement péquiste.

Et le ministre doit nous annoncer mercredi de quelle façon il entend récupérer le milliard de manque à gagner que va générer l'abolition de la taxe santé.  

Le Parti québécois s'est engagé à hausser l'impôt des plus riches Québécois, une mesure qui a provoqué un braquage du monde entrepreneurial comme je n'en ai jamais vu auparavant.

Plutôt que de tirer de façon excessive sur les riches, le ministre Marceau pourrait s'inspirer de la dizaine de mesures budgétaires que lui proposent mes collègues de La Presse Affaires pour compenser le trou créé par l'abolition de la taxe santé.

Pour ma part, j'estime que Québec pourrait mettre déjà passablement d'ordre dans son éternel cafouillis budgétaire en s'attaquant - et de façon impitoyable - à la collusion et à la corruption dans l'octroi des contrats publics.

En 2007, le gouvernement Charest a mis en place le Programme québécois des infrastructures (PQI) dans le but de rénover et d'améliorer des actifs publics considérablement amochés par l'usure du temps. Noble intention, parce que nos routes, viaducs, écoles, hôpitaux, aqueducs, palais de justice, prisons... en avaient bien besoin.

De 2007 à 2012, le plan d'immobilisations du PQI prévoyait des dépenses de 30 milliards. Dans les faits, Québec aura dépensé 37 milliards au terme de ce plan quinquennal, selon les chiffres du dernier budget des dépenses du gouvernement.  

Plusieurs études ont démontré que Québec paie 30% plus cher qu'ailleurs au Canada pour la réalisation des mêmes travaux d'infrastructures.  

Le témoignage fort disert que nous livre depuis quelques jours l'entrepreneur Lino Zambito à la commission Charbonneau tend à confirmer cette surfacturation que tous les contribuables québécois doivent payer. Une taxe à la collusion et à la corruption.

Le président du Conseil du Trésor, Stéphane Bédard, s'est dit étonné hier de constater que presque tous les projets d'infrastructures coûtent pratiquement le double de leur prix d'appel, de 80% pour être plus exact.  

Ainsi, une fois terminé, un projet budgété à 200 millions nous en coûte 360 millions. Pourquoi cette folle inflation compressée sur quelques années seulement?

L'incurie administrative, la gestion erratique, la mauvaise foi tacite ou la complaisance aveugle nous ont fait perdre le sens du réel. C'est normal de payer plus cher parce que ça coûte plus cher.

Depuis cinq ans, cette surfacturation de l'absurde sur les travaux d'infrastructures nous aurait donc coûté 11,3 milliards. Un trésor inépuisable qui aurait pu assurer le gel des droits de scolarité pour les 50 prochaines années...

La commission Charbonneau va nous permettre au cours des prochaines semaines d'en savoir plus. Mais on sait déjà que Québec doit resserrer au maximum ses contrôles dans la gestion de son programme d'infrastructures qui prévoit des dépenses additionnelles de 35,2 milliards au cours des quatre prochaines années.

Si on laisse courir la surfacturation de 30% sur ces investissements colossaux, c'est 10,5 milliards supplémentaires que les contribuables québécois auront dépensé en pure perte ou pour enrichir quelques individus peu scrupuleux et faire vivre un système complètement pourri.

S'attaquer à la collusion et à la corruption, c'est éminemment payant, mais c'est surtout nécessaire. Le ministre Marceau ne peut pas cependant limiter son action au seul meilleur contrôle de ses dépenses.

Il doit aussi voir à augmenter ses recettes et il peut le faire en appliquant seulement un meilleur contrôle fiscal. L'an dernier, l'Agence québécoise du revenu a récupéré 3 milliards d'impôts impayés, dont 900 millions auprès de simples contribuables.

L'Agence a donc récupéré 2,1 milliards auprès d'entreprises diverses, dont 300 millions auprès de restaurateurs qui ne payaient pas tous uniformément leur dû, et 300 millions chez les entreprises du secteur de la construction où l'étau fiscal se resserre de plus en plus.

Cette année, l'Agence prévoit aller récupérer 3,5 milliards d'impôts additionnels qu'on aurait cherché à éluder. Mais c'est au chapitre de l'évasion fiscale et de l'utilisation abusive des paradis fiscaux que Québec a encore beaucoup de marge.

L'an prochain, l'Agence du revenu prévoit récupérer un maigre 80 millions sur les 3,6 milliards qui lui échappent par l'entremise de ce que l'Agence appelle le recours à de «la planification fiscale abusive».  

Juste en taxant correctement les super riches qui cachent leur argent dans des paradis fiscaux, Québec règlerait ses problèmes de manque de liquidités rapidement et pour longtemps.