Rien ne va plus entre la Chambre de la sécurité financière et les banques à charte canadienne qui font affaire au Québec. Depuis un an maintenant, les banques refusent que la syndique de la Chambre fasse enquête sur leurs représentants qui sont congédiés pour fautes professionnelles, une attitude irresponsable qui menace la sécurité du public investisseur, estime la Chambre.

La Chambre de la sécurité financière est un organisme d'autoréglementation qui veille à la protection du public épargnant-investisseur en encadrant la discipline, la formation et la déontologie des représentants en épargne collective, en planification financière, en assurance de personnes et en assurance collective.

Au total, la Chambre de la sécurité financière compte près de 32 000 membres, dont près de la moitié sont au service des grandes banques canadiennes et des caisses populaires.

Chaque année, la syndique de la Chambre réalise en moyenne plus de 500 enquêtes à la suite de plaintes du public ou de pairs qui ont observé des comportements fautifs de la part de représentants.

L'an dernier, à la suite de 503 enquêtes de la syndique, le comité de discipline de la Chambre a rendu 54 décisions sur sanction et a radié à vie un total de 35 représentants. Les sanctions vont de l'amende à la suspension et, ultimement, à la radiation.

Mauvaise publicité

Depuis un an, les banques canadiennes refusent de collaborer avec la syndique de la Chambre sous prétexte que leurs activités bancaires sont régies par une charte fédérale et qu'elles n'ont pas à soumettre aux enquêtes de la Chambre de la sécurité financière les cas de congédiement pour manque de probité, honnêteté et intégrité.

Une position que trouve indéfendable Luc Labelle, président de la Chambre de la sécurité financière. Une position qui menace même la sécurité financière des épargnants-investisseurs.

«Notre syndique a présentement plus de 40 dossiers de représentants qui ont été congédiés par des banques au cours de la dernière année en raison de fautes professionnelles. Et ce nombre grossit sans cesse.

«Il faut avoir la collaboration des banques pour que l'on puisse radier les représentants qui ont commis des fautes graves. Une fois qu'ils ont été radiés, ils ne peuvent plus travailler dans le domaine financier.

«Mais là, les banques permettent que des représentants fraudeurs se retrouvent dans le même emploi dans une autre institution bancaire ou dans une firme indépendante d'épargne collective. C'est inadmissible», déplore Luc Labelle.

Si les banques ont décidé de refuser de collaborer avec la syndique de la Chambre, c'est qu'elles ont en horreur la publicité négative que constitue la publication du nom des représentants - et de l'institution où ils travaillaient - qu'elles congédient à la suite de fautes professionnelles, avance Luc Labelle.

Sur un autre plan, politique celui-là, les grandes banques canadiennes se sont toutes prononcées en faveur de la création d'une Commission des valeurs mobilières unique au Canada.

En décidant de ne plus reconnaître l'autorité et la compétence de la Chambre de la sécurité financière, les banques confirment leur volonté d'avoir à ne répondre qu'à une seule autorité - et une autorité fédérale - en matière d'encadrement financier.

La syndique de la Chambre a décidé de passer à l'action. Elle vient de faire une demande d'injonction pour forcer la Banque CIBC - l'une des banques récalcitrantes - à lui fournir les documents et les informations qu'elle lui a demandés. Une injonction que contestera vraisemblablement la Banque CIBC.

Informer le public

Pas facile d'obtenir des commentaires des institutions bancaires impliquées dans ce débat. Même l'Association des banquiers canadiens préfère ne pas se mêler du dossier.

«Comme vous le savez certainement, le litige auquel vous vous intéressez est devant les tribunaux. Au surplus, l'Association des banquiers canadiens (ABC) n'est pas partie à celui-ci», nous a fait savoir par courriel l'ABC.

Chose certaine, la Chambre de la sécurité financière entend bien aller jusqu'au bout pour obliger les banques à participer à ses enquêtes et à rendre publiques des informations capitales pour les petits épargnants-investisseurs.

«Dès que notre comité de discipline reconnaît un représentant coupable d'une faute professionnelle même mineure, cette information est inscrite au dossier du représentant.

«La première chose qu'un investisseur doit faire lorsqu'il prend contact avec un professionnel de l'investissement ou de l'assurance, c'est de vérifier son permis de pratique auprès de la Chambre de la sécurité financière. Si des décisions disciplinaires apparaissent à son dossier, c'est déjà un signal qu'il faut faire attention», prévient Luc Labelle.

On comprend pourquoi la Chambre juge impérieux de mettre totalement hors circuit les représentants qui ont été congédiés pour fraude et pourquoi les banques doivent donner les informations nécessaires pour être bien certaines qu'ils ne réapparaissent pas chez un concurrent.