Quand les marchés ne vous récompensent pas comme ils le devraient, il faut alors trouver une façon de se récompenser soi-même. Voilà exactement ce qu'a décidé de faire Héroux-Devtek (T.HRX), fabricant de trains d'atterrissage de Longueuil, qui a annoncé hier la vente de ses activités de produits industriels et d'aérostructure pour la somme nette de 230 millions de dollars.

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Ces activités de fabrication de pièces d'avions et d'hélicoptères ou de composants de turbines d'éoliennes, que Héroux-Devtek a cédées à l'entreprise américaine Precision Castparts pour 300 millions, avaient été développées à partir des années 2000 lorsque l'entreprise souhaitait se positionner comme intégrateur dans le secteur de l'aéronautique.

Héroux-Devtek se départ de cinq usines, à Dorval, Queretaro au Mexique, Arlington au Texas et deux usines à Cincinnati en Ohio. Ces actifs génèrent des revenus annuels de 130 millions et occupent 550 travailleurs.

Ces activités venaient s'ajouter à l'activité principale du groupe qui est la conception, la fabrication et le service après-vente de trains d'atterrissage d'avions commerciaux et militaires, une activité qui emploie 1000 personnes et qui génère des revenus de 250 millions.

Depuis la crise de 2009, Héroux-Devtek a considérablement amélioré sa situation financière. En deux ans, ses ventes ont progressé de façon notable, ses profits d'exploitation ont pratiquement doublé de même que son bénéfice net et, pourtant, la valeur de son action n'a jamais reflété l'ampleur de ce redressement.

«En vendant nos activités de produits industriels et d'aérostructure, on récolte 230 millions net, c'est exactement la valeur de notre capitalisation boursière d'hier. Depuis deux ans, notre valeur boursière est inférieure à la valeur comptable de l'entreprise», explique, un peu désabusé, Gilles Labbé, PDG d'Héroux-Devtek, en entrevue à La Presse.

«Trois éléments composent une entreprise. Ses clients, ses employés et ses actionnaires. Il était temps que l'on s'occupe du dernier groupe qui ne profite pas de nos réalisations parce que le marché ne les reconnaît pas», poursuit Gilles Labbé.

À cet égard, on peut déjà dire mission accomplie, puisque le titre d'Héroux-Devtek a tout simplement décollé hier dans la foulée de l'annonce de la vente des actifs pour gagner 32,7%, à 10,42$, et enfin sortir de sa torpeur des deux dernières années.

Dividendes

Il faut dire que les investisseurs qui se sont rués hier sur le titre du fabricant rêvent de toucher une part du butin de 230 millions que va bientôt engranger Héroux-Devtek. Si l'entreprise décide de verser un dividende, c'est prêt de 7$ par action que les actionnaires pourraient récolter.

Mais rien n'est joué encore sur ce que va décider le conseil d'administration d'Héroux-Devtek quant à la disposition des 230 millions. Gilles Labbé n'écarte pas l'idée de renforcer la position de troisième acteur mondial qu'occupe son entreprise - derrière Goodrick et Messier-Dowty - dans la conception et la fabrication de trains d'atterrissage en réalisant des acquisitions stratégiques.

«On se donne un an pour décider ce que l'on va faire. On peut gâter nos actionnaires en leur versant un dividende, mais on peut aussi les gâter en amenant leur entreprise à un niveau supérieur», suppute pour sa part Réal Bélanger, chef de la direction financière d'Héroux-Devtek.

La transaction que vient de conclure Gilles Labbé n'est pas sans rappeler celle qu'avait réalisée le groupe Laperrière et Verreault en 2007 lorsque l'entreprise avait vendu toutes ses activités de procédés industriels au groupe danois FLSMidth pour 840 millions.

Laperrière et Verreault avait versé un dividende spécial de 33$ par action aux actionnaires de son groupe, permettant ainsi à son fondateur, Laurent Verreault, de monétiser 50 millions dans l'opération.

Cela fait maintenant 40 ans que Gilles Labbé consacre tout son temps et toutes ses énergies à faire grandir Héroux-Devtek, dont il est le PDG depuis 1989. À coups d'acquisitions, d'innovations, d'un démarchage incessant auprès d'une multitude de clients partout dans le monde, il a derrière lui 40 années de travail acharné.

En décidant d'utiliser les 230 millions à titre de dividendes pour les actionnaires du groupe, Gilles Labbé pourrait encaisser quelque 25 millions et poursuivre quand même la croissance d'Héroux-Devtek dans son secteur d'excellence.

On verra comment le conseil d'administration va trancher le débat. Mais, hier matin, Gilles Labbé m'assurait qu'il ne prévoyait pas réaliser de grosses rénovations sur sa maison. Le dividende pourrait donc attendre.