L'assemblée annuelle des actionnaires de Yellow Média - l'ancien Groupe Pages Jaunes - a été dans son sens le plus littéral un non-événement hier. Un non-événement parce qu'il n'y a tout simplement pas eu d'assemblée générale. Elle a été annulée en raison du nombre insuffisant d'actionnaires qui étaient intéressés à y participer.

Quand une entreprise en est rendue à suspendre la tenue de l'assemblée de ses actionnaires parce qu'elle n'arrive pas à atteindre le quorum requis du nombre de votes (soit au moins 25% des votes rattachés aux actions), c'est que les choses vont vraiment très mal.

À cet égard, l'annulation de l'assemblée annuelle de Yellow Médias n'a donc surpris personne. Tout le monde et les actionnaires de Yellow Média au premier rang sont bien au fait des déboires successifs qu'a connus l'entreprise et de son incapacité à faire émerger son nouveau modèle d'affaires.

Ça doit faire au moins une dizaine d'années que je n'ai pas ouvert un bottin téléphonique et je ne suis pourtant pas le plus technologique des consommateurs. Mais le jour où j'ai compris comment fonctionnait Google, je n'ai jamais plus consulté un directory par la suite.

Les Pages Jaunes intriguent mes enfants, et mes petits-enfants ne connaîtront probablement jamais cet outil du passé, plus utile dans une salle d'interrogatoire d'un poste de police que dans le placard poussiéreux d'une cuisine...

Bref, Yellow Média peine encore et toujours à faire migrer ses clients de jadis vers ses nouvelles plateformes numériques. Lourdement endettée, la société voit chaque jour la valeur de ses actifs fondre comme peau de chagrin.

La dernière année a été pénible pour la société montréalaise. Anciennement une vedette parmi les entreprises qui s'étaient constituées en fiducie de revenus, Yellow Média a suspendu le paiement de son dividende. Pour rembourser sa dette, elle a vendu son site Trader - acquis au coût de 1 milliard - pour 750 millions. Elle s'est aussi départie du site de petites annonces web lesPACS pour 75 millions.

Elle a pris une charge spéciale de 2,8 milliards à l'automne pour mieux refléter sa vraie valeur comptable et son chef de la direction financière a quitté le navire.

Depuis un an, le titre de Yellow Média a perdu 90% de sa valeur. Hier encore, le titre a chuté d'un autre 40%, lorsqu'il est passé de 6 cents à 4 cents (!).

L'annulation de l'assemblée annuelle d'hier aura peut-être été finalement une bonne chose pour les quelques braves actionnaires qui s'y seraient présentés.

C'est qu'ils auraient avalé de travers leur petit sandwich en apprenant que leur entreprise avait subi une perte nette de 2,9 milliards à son premier trimestre de 2012, à la suite d'une nouvelle dépréciation de la valeur de ses actifs.

Dans un communiqué de presse et au cours d'une téléconférence avec les analystes financiers, le PDG, Marc Tellier, a confessé que les prévisions de revenus des activités numériques n'allaient pas progresser au rythme anticipé et que la baisse des revenus des bottins téléphoniques allait être plus forte et rapide qu'il ne l'avait prévu.

«Notre transformation au numérique ne peut se faire du jour au lendemain. On ne peut pas gérer l'entreprise dans une perspective trimestrielle», a admis Marc Tellier.

Si on exclut la charge spéciale de dépréciation, Yellow Média a généré des profits de 57,5 millions à son premier trimestre comparativement à 70,5 millions au trimestre équivalent de l'an dernier. Ses revenus ont chuté de 349 millions à 289 millions. Une baisse de 17%, attribuable essentiellement à la baisse de ses activités dans le secteur des bottins téléphonique et une baisse qui va inexorablement se poursuivre dans les trimestres à venir.

Si j'ai cessé de faire marcher mes doigts dans les Pages Jaunes il y a 10 ans au moins, comment se fait-il que les dirigeants de Yellow Média n'ont pas commencé à faire marcher leurs méninges à la même époque pour entrevoir une planification stratégique de conversion au numérique organisée et systématique? Le déni a un prix que l'action de Yellow Média ne pourra même plus payer dans un avenir très immédiat.