Ah, ils sont beaux, ces Bleus!

Tu te tapes 400 kilomètres de bagnole dans un paysage jaune et plat comme la Saskatchewan. Tu fais une crevaison (et tu découvres que tu n'as pas de cric dans ta voiture de location!). Tu manques trois matchs de soccer que tu avais vraiment, mais alors là vraiment, envie de voir.

Tu fais tout ça. Et puis Raymond Domenech débarque en conférence de presse pour te dire, à toi et une centaine d'autres journalistes pendus à ses lèvres, que les joueurs français se sont rendus coupables «d'une aberration, d'une stupidité et d'une imbécillité sans nom» en faisant la grève d'entraînement, dimanche, pour protester contre l'exclusion de Nicolas Anelka.

Comme si on ne le savait pas déjà.

Je blague. C'était bien d'entendre le sélectionneur de l'équipe de France remettre ses enfants gâtés à leur place. Il aurait dû le faire dès la veille, quand il a lu aux médias le message rédigé par ses grands bébés réfugiés dans leur autobus. Mais personne n'est parfait. Surtout pas Raymond Domenech, dirait sans doute Anelka.

Sérieusement, les mots employés par Domenech - il a aussi parlé de «mascarade» et qualifié d'«ahurissant» le dimanche noir des Bleus - ne sont pas trop forts. L'équipe de France est devenue la risée de la planète, son quotidien des derniers jours digne de la plus trash des téléréalités. Ne manque plus qu'on découvre une blonde sulfureuse dans le passé de Franck Ribéry. (Vous dites? C'est déjà fait? Oh.)

Les journaux sud-africains s'en sont donné à coeur joie. Le Times de Johannesburg titrait «French Revolution», une manchette aussi appropriée qu'elle se passe de traduction. Le Star consacrait toute sa une aux déboires des Bleus, qui «donnent espoir à l'Afrique du Sud».

Vrai que les Bafana Bafana doivent se réjouir, eux dont l'entraîneur, Carlos Albert Parreira, semble lui-même contesté par plusieurs de ses joueurs (ils lui reprochent apparemment d'être trop têtu dans certains choix tactiques). Quoi de plus encourageant que de voir les Bleus s'autodétruire ainsi à l'approche de leur dernier match de groupe, aujourd'hui?

Contrairement à son habitude, Domenech s'est présenté sans le capitaine de l'équipe, Patrice Evra, celui qui a eu une altercation devant les caméras avec le préparateur physique Robert Duverne. Pourquoi? «Parce que les excuses, les explications et tout ce qu'ils auraient pu raconter, ça n'a aucun sens. J'attends et les Français n'attendent pas des paroles, mais des comportements sur le terrain.»

Il n'a pas écarté la possibilité qu'Evra et d'autres joueurs ne soient pas en uniforme contre l'Afrique du Sud. «Je n'ai pas encore fait l'équipe. On verra ce soir. Ce n'est pas une question de confiance, c'est une question de trouver ceux qui seront en état physique et psychologique pour faire le match à fond pour l'équipe de France.»

Domenech a rencontré la presse au Stade de l'État libre de Bloemfontein, peu après que les Bleus soient arrivés de Knysna, dans le sud-ouest du pays, où ils s'étaient finalement entraînés en matinée. Il s'est dit encouragé par l'ardeur démontrée par ses joueurs. «L'ampleur de ce qu'ils ont créé fait qu'ils ont vraiment envie de gagner. Je n'en ai jamais été aussi certain. Parfois je me pose des questions, mais cette fois-ci, je n'ai aucune hésitation.»

* * *

Deux heures plus tard, c'était au tour de la ministre des Sports, Roselyne Bachelot. Elle se l'est jouée comme seuls les politiciens français en sont capables. Apparemment, les joueurs ont pleuré en l'écoutant raconter l'histoire de l'équipe de rugby française qui avait gagné un match «ingagnable» contre les All-Blacks de la Nouvelle-Zélande (une suite potentielle pour Invictus?). Ne manquait que les violons.

«Désastre moral», «plus rien ne sera comme avant», la jeunesse déçue, «l'image de la France qui est ternie», tout y est passé. Elle n'a pas l'intention de se mêler de la gouvernance de la Fédération française de football - nombreux sont ceux qui croient que le président, Jean-Pierre Escalettes, devra démissionner -, mais elle n'entend pas en rester là pour autant. Entre autres mesures au programme: rencontre avec le prochain sélectionneur, Laurent Blanc; audit externe des événements récents; et exigence, à l'avenir, que les joueurs adhèrent solennellement à la charte de la déontologie du sport, «foulée au pied» au cours du week-end.

La ministre avait l'air bien découragée. Elle devrait plutôt se réjouir: ce n'est pas souvent que les politiciens sont plus populaires que les footballeurs.

Correction

Je me suis fourvoyé dans un de mes textes d'hier. Pour que le Nigeria puisse espérer se qualifier aujourd'hui, il faut que l'Argentine batte la Grèce, pas l'inverse. Peut-être que je vais devoir aller me promener la nuit dans Hillbrow, après tout...

Leçon de géographie

Bloemfontein est une petite ville endormie, en plein centre de l'Afrique du Sud. Pas très loin du Lesotho, en fait. J'ai un bon truc mnémotechnique pour retenir le nom de la capitale de ce petit État enclavé, Maseru. Ça va comme suit: Lesotho, on les Maseru. La pognez-vous?

Photo: AFP

Une journée après avoir refusé de s'entraîner, les joueurs français, dont Jérémy Toulalan, Éric Abidal, Florent Malouda, Patrice Evra, Yoann Gourcuff et Franck Ribéry, ont repris possesion de la pelouse, hier.